Ligne B : les points qui posent encore problème

Désormais annoncé pour 2028, le projet de la seconde ligne de tramway de Tours Métropole Val de Loire peine à rentrer dans sa phase opérationnelle. En cause, plusieurs points de cet épineux dossier demeurent bloquants. Alors que le sujet a dominé le conseil métropolitain du 22 mai dernier, un certain flou domine toujours le long des 13 kilomètres de voies à créer entre La Riche et Chambray-lès-Tours.

Un budget conséquent au financement incertain

L’enveloppe prévue pour réaliser la ligne B de tramway est conséquente. Elle s’élèverait à présent à 530 millions d’euros selon les dernières données communiquées par la Métropole, soit une hausse de 100 millions d’euros par rapport au budget déterminé il y a 5 ans. Bien qu’incluant également la nouvelle ligne de bus à haut niveau de service, ce montant dépasserait les 30 M€ du kilomètre. Pour la ligne A, il était de 29 M€ du kilomètre – pour un coût total de 441 M€ – alors qu’un centre de maintenance et deux ponts avaient dû être construits. Cela ne sera pas le cas pour ce nouvel axe. À titre de comparaison, cette valeur est deux fois plus élevée que les sommes investies pour la construction du tramway de Besançon. La ville est parvenue à réaliser sa première ligne à 17 M€ du kilomètre.

La facture tourangelle est notamment plombée par le nombre important d’acquisitions à l’amiable et de futures expropriations. Pour rappel, la moitié des habitations de la partie sud de la rue de la Mairie à La Riche sera rasée pour laisser place au tramway. Les destructions ont commencé en avril dernier. L’extension du centre de maintenance a également un impact non négligeable. Si l’agrandissement du parc extérieur est nécessaire, l’atelier actuel est déjà été dimensionné pour accueillir les rames d’une seconde ligne. Il serait pourtant lui aussi étendu.

A La Riche, les destructions des premières maisons de la rue de la Mairie ont commencé en avril dernier

À Tours, 93 millions d’euros ont déjà été engagés pour la période 2021-2022 dans le cadre des travaux préparatoires et sans procédure réglementaire en lien avec la déclaration d’utilité publique. La question des sources de financement se pose tout naturellement. La Métropole a affirmé sa volonté de limiter l’emprunt à 330 M€. Le versement mobilité étant déjà à son maximum, 200 M€ de subventions doivent ainsi être rapidement trouvés. Pour l’heure, seul l’État s’est engagé à verser 4,6 M€, à ses côtés la Région apportera aussi 20 M€. Une somme bien maigre qui compte pour 4,6% du budget global. La mise en place d’un nouvel impôt sur le foncier bâti serait à l’étude, mais elle très loin de faire l’unanimité au sein des élus métropolitains dont certains ont conditionné leur vote en faveur de cette 2e ligne au fait qu’il n’y ait pas de nouvel impôt voté. Dans le cas contraire, ils ne soutiendraient pas le projet.

De très chers prolongements

Autre point légitimement questionné, celui de la pertinence des différents terminus. Alors que le cahier des charges initial limitait la seconde ligne au sud à hauteur du CHRU Trousseau, il apparaît qu’un prolongement de 2,5 kilomètres jusqu’au quartier de La Papoterie a été jugé intéressant. Une décision qui, au regard des chiffres exposés précédemment, s’avère être extrêmement coûteuse. Elle est d’autant plus surprenante que le corridor ne justifie en rien un mode de transport aussi lourd. Il est en effet composé d’habitats individuels pavillonnaires, d’une zone d’activité et de larges espaces boisés préservés qui coupent court à toute perspective de densification. Un potentiel si faible que Fil Bleu dessert actuellement ce quartier avec une ligne non structurante – la n°36 – où circulent des autobus standards. Afin de limiter ses coûts d’exploitation, cette antenne pourrait par exemple bénéficier d’une fréquence de circulation réduite.

La création d’un parking-relais à proximité du boulevard périphérique semble être une fausse bonne idée. En plus d’artificialiser des terres agricoles actuellement exploitées, elle encouragera le recours à l’automobile pour les habitants de l’axe Tours-Loches, faisant ainsi une concurrence directe à la ligne de train sur laquelle d’importants travaux de modernisation ont été récemment réalisés. Le moyen le plus efficace pour répondre au besoin de stationnements à Chambray-lès-Tours reste l’extension et/ou le déplacement du P+R Sagerie. De plus, une véritable concertation devrait être menée autour de cette question avec le CHRU dans le cadre de l’élaboration du Nouvel Hôpital Trousseau (NHT) 2040.

Le tronçon de la ligne B entre le CHRU Trousseau et La Papoterie soulève encore de nombreuses questions

Au nord, la situation est analogue. Le prolongement de la première ligne de tramway jusqu’à l’aérogare de Tours est, elle aussi, difficilement compréhensible. Un temps suspendu, il est de nouveau envisagé avec environ 800 mètres de voies nouvelles voies à construire. Son coût sera cependant loin d’être négligeable puisque la création d’un ouvrage d’art est indispensable pour franchir le boulevard Abel Gance. L’aéroport de Tours traverse actuellement une zone de turbulences qui fragilise ses perspectives futures. Aucune projection de fréquentation ni projet connexe n’ont été présentés lors de la consultation publique de 2018.

Même si aujourd’hui les partisans de ce prolongement avance qu’un projet de développement économique de la zone de l’aéroport sera bientôt présenté, prévoyant notamment l’installation d’entreprises nouvelles sur ce secteur, ce qui justifierait l’arrivée du tramway aux abords de l’aéroport. Mais dans le contexte actuel, un investissement public de cette importance doit être étayé. Des solutions plus pragmatiques et beaucoup plus abordables existent pour pallier l’absence de desserte par un transport en commun. Parmi elles, la mise en place d’une navette électrique – de type Citadine – cadencée sur les horaires de vol au départ du P+R Vaucanson semble être plus réaliste.

Avez-vous dit « réseau » ?

Si le terme de « réseau » est souvent évoqué dans les communications entourant la seconde ligne, force est de constater que toutes les conditions ne sont pas encore réunies pour utiliser cette expression. Qui plus est lorsque trois lignes structurantes desservent le même corridor en centre-ville. De plus, la liaison entre les deux sites hospitaliers de Trousseau et Bretonneau a longtemps été présentée comme la condition sine qua non de la réussite de ce projet. Cela a évolué puisque le tramway ne s’approchera pas de l’hôpital Bretonneau à moins de 300 mètres de son entrée. Une situation peu acceptable pour un public qui présente souvent des difficultés de mobilité.

Ce constat s’applique également à la ligne de Bus à Haut Niveau de Service (BHNS) prévue pour rallier Saint-Pierre-des-Corps. Selon le projet actuel, elle desservira le centre commercial périurbain des Atlantes – où le recul de la part modale de la voiture sera difficile – au détriment du centre-ville de la 4e commune la plus peuplée d’Indre-et-Loire et la plus dense après Tours (1398 habitants au km2).

Hypothèse d’exploitation d’une 3e ligne entre les terminus de La Riche et de Vaucanson

L’existence de deux lignes de tramway est un moyen formidable d’organiser la circulation sur six axes différents. Ainsi, les voyageurs devront être en mesure de réaliser l’itinéraire Vaucanson-Papoterie ou Jean-Monnet-La Riche sans correspondance et avec un cadencement adapté. L’absence de rupture de charge par la création d’antennes et l’articulation avec les autres modes de transport seront l’une des clés du succès de ce nouveau réseau, au sens plein du terme.

Les premiers plans de la place de la Liberté – qui ont fuité cette semaine – semblent prévoir une interopérabilité entre les différentes antennes