Depuis vendredi, les maires de Tours et de La Riche s’affrontent par médias interposés. Les arbres du boulevard Béranger sont au coeur de leur différend. Les 2 édiles font chacun une lecture différente de la 3e analyse racinaire qui vient de leur être remise. Les résultats de ce document sont en passe de priver La Riche de la 2e ligne de tramway, mais que dit-il vraiment ? Nous l’avons consulté.
Le vendredi 18 février 2022 restera une date marquante dans le projet de la 2e ligne de tram. Ce jour-là, le maire de Tours a demandé l’abandon du tracé menant à La Riche. Le sujet couvait depuis déjà plusieurs mois. Jusqu’à présent fervent défenseur de cet itinéraire, Emmanuel Denis explique ce revirement par les résultats de la 3e étude racinaire menée sur les platanes du boulevard Béranger. Elle fait suite à 2 précédents rapports rédigés en 2018 – dont la diffusion n’interviendra qu’en 2020 – et en 2021. Selon le maire, ses conclusions sont sans appel. Le passage du tramway menacera inévitablement la survie d’une partie des spécimens du mail Béranger.
Un avis que ne partage aucunement son homologue larichois, Wilfried Schwartz, également Président du Syndicat des Mobilités de Touraine (SMT) et 9e Vice-Président métropolitain délégué aux politiques des mobilités. Pour l’élu qui risque de voir le tram échapper à sa commune, l’expertise n’a rien d’alarmante. « Je suis plutôt rassuré par les solutions techniques qui nous sont proposées », expliquait-il ce vendredi dans les colonnes de La Nouvelle République. Il souhaite réunir un comité d’experts pour plancher sur le sujet. Ils rendront leur avis avant le 15 mars.
Des racines à 53 centimètres sous la chaussée
Mais alors, comment expliquer 2 lectures si différentes d’un même document ? Si des stratégies personnelles et des calculs politiques peuvent être avancés, le seul moyen d’en avoir le cœur net est d’analyser ce document. Malgré sa diffusion encore confidentielle, nous avons pu lire son contenu.
Précisons tout d’abord qu’il ne s’agit pas d’un rapport en bonne et due forme, mais de 2 courriers adressés au SMT par Laurent Herquin. Le docteur en écologie toulousain est l’auteur des 2 études précédentes. Le premier, daté du 29 janvier dernier, s’intéresse aux sondages menés sur la chaussée nord le 25 janvier. Le second, rédigé le 3 février, est consacré au côté opposé qui a été inspecté le 1er février. Ces interventions font suite à celles de 2018 et 2021. Elles avaient alors permis d’identifier d’importantes racines en limite de la zone de stationnement. L’objectif était à présent de déterminer si ces développements se poursuivent sous la chaussée actuellement utilisée par les voitures et les bus. Si le tramway venait à être construit, ces espaces feraient l’objet d’un terrassement important.
3 tranchées ont ainsi été creusées sur la partie nord, ainsi que 2 au sud, afin d’étudier le système de 5 platanes de la rangée interne. Ils avaient été préalablement repérés en raison de leur diamètre important. Une fois le sol décapé et la terre aspirée, l’expert-conseil en arboriculture est parti à la recherche des fameuses racines le long des parkings en épis. Il n’aura pas eu besoin de chercher longtemps. Sur la partie nord, il tombe rapidement sur une ramification qualifiée de « charpentière » d’un diamètre de 16 centimètres. Elle est située à au moins 5,5 mètres de la bordure externe de l’esplanade et à une profondeur de 86 centimètres. D’autres ont été observées plus en surface, à 53 centimètres sous la route. Des caractéristiques manifestement incompatibles avec la construction d’une plateforme de tramway. En effet, une emprise de 1,20 mètre de profondeur est nécessaire pour une telle infrastructure.
Un dépérissement à redouter
Sur les 4 autres sondages réalisés, Laurent Herquin formule les mêmes remarques pour 3 d’entre eux. De manière générale, il note que « l’hypothèse […] d’un prolongement potentiel d’axes sous la chaussée à partir des zones de stationnements latérales semble en partie validée ». Avant d’ajouter qu’il « est difficile d’en extrapoler les constats à l’ensemble de l’alignement interne », mais que l’on « peut cependant raisonnablement estimer qu’une partie des […] grosses sections […] se prolonge sous la chaussée ». En d’autres termes, la densité et la présence des systèmes racinaires sont plus importantes que ce qui avait été analysé lors des précédentes campagnes. Cela s’explique notamment par la méthodologie qui avait été retenue. Les fouilles devaient s’arrêter à la découverte de la première racine. Bien que cela puisse surprendre, l’objectif n’était donc pas de comprendre l’ampleur de leur emprise.
Mécaniquement, le nombre d’arbres impactés par le terrassement de la 2e ligne de tramway serait probablement supérieur à celui évalué jusqu’à très récemment. Dans ses conclusions, le docteur en écologie ne fait pas de mystère à ce sujet. Il évoque sans ambiguïté les conséquences potentielles d’un tel chantier sur les spécimens étudiés. Si les racines intermédiaires venaient à être endommagées, une infection par des champignons parasites, une perte de vigueur et – in fine – un dépérissement sont à redouter. Pour celles dites « charpentières », s’ajoute à ces risques une possible perte d’ancrage qui pourrait entraîner leur chute. Autant de craintes sur lesquelles l’ASPAAT (Association de Sauvegarde du Patrimoine Arboré et Architectural Tourangeau) alerte depuis plusieurs années.
Les anciennes fortifications mises en cause
Cette 3e étude est aussi l’occasion de mieux comprendre pourquoi la partie souterraine du mail s’est davantage développée vers l’extérieur. En temps normal, les racines se dirigent de manière presque symétrique de part et d’autre. Dans un environnement urbain contraint, cela n’est pas toujours le cas. La qualité hétérogène des sols est souvent la première responsable. Si Laurent Herquin remarque un sous-sol « suffisamment attractif pour les arbres, […] constitué d’une terre végétale » sous l’épaisse chaussée, il n’en est pas de même pour le centre du mail et les stationnements. Il parle d’un « sol compact à base de remblais« .
Pour comprendre cette situation, il est nécessaire de se plonger dans l’histoire. En effet, l’aspect actuel des boulevards Béranger et Heurteloup est contemporain. Durant longtemps, ces 2 principaux axes ont symbolisé les limites de la ville. La partie sud n’était pas encore urbanisée. Des fortifications étaient érigées tout du long. Elles formaient un ensemble défensif conséquent qui ne fut détruit que durant la seconde moitié du XIXe siècle, probablement vers 1860-1865. Plus de 150 ans après, nous retrouvons des traces de ces opérations sous l’asphalte du boulevard Béranger qui empêchent les platanes de se développer correctement.
Surélever la plateforme ?
Maintenant que ces éléments sont connus, que doit-on faire ? C’est toute la question qui agite la Touraine ces derniers jours. Le maire de La Riche propose de surélever la plateforme du tramway de manière à ne pas terrasser en profondeur. Le risque pour les racines semblerait moindre, mais la municipalité tourangelle lui répond que cela n’est pas possible techniquement. Une « butte » infranchissable qui empêcherait les véhicules de sortir des garages particuliers est évoquée. Emmanuel Denis appelle à lancer au plus vite les deux autres portions : la demi-ligne sud et la liaison de Bus à Haut niveau de service (BHNS) qui devrait relier Tours Nord au centre commercial des Atlantes. Précisons tout de même que cette dernière n’est pas sans poser de questions. Il souhaite également avancer sur le dossier de la valorisation de l’étoile ferroviaire.
Les prochaines semaines seront décisives. Il n’est pas certain que l’avis du comité d’experts convoqué par Wilfried Schwartz soit en mesure de renverser la table. De nombreux observateurs attendent désormais le verdict en appel de son procès. Nous saurons alors si la peine prononcée en première instance de 3000 € d’amende et de 6 mois d’inéligibilité est confirmée. Un résultat qui, au-delà de l’avenir du jeune maire, pourrait être en mesure de sceller le sort de l’ensemble du projet de tramway.
Pour découvrir l’ensemble du projet, rendez-vous sur notre page « Ligne B ».
Bonjours
Peut on disposer des plaques en béton sur pilotis bas, ayant des endroits perforés, pour les infiltrations d eau et alimenter les sols en cas de pluie, le surplus s évacuant par un système de canalisations sur les côtés. Reste à savoir le nombre de pilotis pour supporter les dalles en bétons et les rames en charge, qui viennent à se croiser. Il doit bien y avoir à travers le monde , un procéder, qui permet ce genre de situation.
Bravo au maire de Tours de prendre ses responsabilités! Un collectif contre le massacre du boulevard Béranger existe… Il est temps que l’ex maire de La Riche écoute les voix des tourangeaux et face fî de ses motivations douteuses…
Ne sacagez pas le boulevard Béranger. Laissez nos arbres vivre leur vie et abandonnez ce projet de tram sur cette portion .
On a bien abattu les platanes du boulevard Tonnellé voilà quelques années , pourquoi pas ceux de Béranger.