Ligne B : le mail Béranger condamné ? Un rapport sème le doute

La future ligne de tramway de la métropole s’est plutôt faite discrète dans l’actualité de ces derniers mois. A l’approche des élections municipales, le sujet revient sur le devant de la scène avec un rapport d’expertise troublant. Il alerte sur les risques encourus par les arbres du boulevard Béranger si le tram venait à passer par cet axe. Destruction des racines, contamination par un champignon… Les sources d’inquiétude sont multiples.

Après le vote des élus municipaux tourangeaux il y a un peu plus d’un an, nous pensions clos le long débat qui opposait les partisans d’un passage du tramway par le boulevard Jean Royer à ceux qui lui préféraient Béranger. Au sein de l’assemblée, cette dernière option l’avait emporté à 35 voix contre 15. Nous étions loin de nous douter que la question s’inviterait dans le débat des élections municipales qui se tiendront dans tout juste 2 mois.

Le mail historique du boulevard Béranger

La cause de ce rebondissement ? Un rapport réceptionné par Tours Métropole Val de Loire en février 2018 et qui s’intéresse aux impacts potentiels des travaux de terrassement sur les platanes du boulevard Béranger et du tronçon ouest du boulevard Heurteloup. A cette période, 13 sondages furent réalisés à différentes distances des sujets afin de comprendre leur développement racinaire. Les conclusions furent produites par un docteur en écologie, Laurent Herquin.

Un terrassement « menaçant pour les arbres »

Force est de reconnaître que la lecture de ce document suscite un certain nombre d’interrogations, non dénuées d’inquiétude. Sa synthèse est explicite. « La mise en oeuvre d’un terrassement profond, quelle que soit la distance aux troncs, semble particulièrement menaçante pour la population d’arbres la plus développée sur la rangée interne ». Les spécimens les plus imposants, symboles de ce mail historique dont la présence est attestée depuis la fin du XVIIe siècle, semblent être le plus en danger. L’expert explique que ces arbres centenaires ont pu bénéficier d’une croissance dans un environnement moins contraint qu’il ne l’est aujourd’hui. La terre battue et les pavés n’avaient pas encore fait place à l’asphalte, d’où leur emprise imposante.

Un risque de contamination au chancre coloré ?

Autre point préoccupant, les travaux seraient susceptibles d’entraîner la contamination des platanes par un champignon, véritable talon d’Achille de l’espèce, le chancre coloré. La présence des engins de chantier et des outils de travaux publics est autant de sources d’infections potentielles. Le rapport fait écho de nombreux cas similaires ayant eu lieu par le passé. Un arrêté ministériel de 2015 rend obligatoire la désinfection aux produits fongicides, et ce 2 fois par jour, des équipements utilisés sur place par les ouvriers.

Le boulevard Béranger, un haut lieu de la vie tourangelle. Ici, le marché aux fleurs en 1941 (photo Sylvain Knecht)

Aucune replantation ne sera possible

Face à ce constat a priori alarmant, reste encore l’espoir d’une replantation à l’identique. Hélas, Laurent Herquin ne laisse aucune place au doute. Il précise en effet que l’abattage éventuel de certains arbres « ne pourra pas faire l’objet de remplacements « in situ ». La densité des plantations interdit l’intégration de jeunes sujets dans les alignements ». Il évoque notamment les ombrages de plants adultes qui entraîneraient un développement anormal des jeunes pousses.

Un manque de transparence qui s’invite au coeur du débat électoral

Nul ne doute que ces récentes révélations sauront nourrir les échanges en cette période électorale. Dès le mercredi 15 janvier, le candidat LREM Benoist Pierre interpellait au sujet de ce rapport à l’occasion d’un débat. 5 jours plus tard, ce fut au tour d’Emmanuel Denis, tête de liste « Pour Demain Tours 2020 », d’interroger ses confrères à l’occasion du conseil métropolitain. Pour l’heure, ni Frédéric Augis, vice-président délégué aux mobilités, ni Christophe Bouchet, maire de Tours, ne se sont exprimés au sujet de ce document. Xavier Dateu quant à lui continue de s’opposer fermement au tramway et défend la préservation de ce mail arboré.

Le passage du tramway boulevard Béranger, tel que présenté lors de la concertation publique

Nous ne pouvons que déplorer le manque de transparence entourant cette question pourtant cruciale pour l’avenir de la ville. Il est dommageable qu’il n’ait pas été jugé pertinent de présenter ce document aux citoyens lors de la concertation publique qui s’est tenue du 18 avril au 8 juin 2018. Pour l’obtenir, un recours auprès de la CADA (Commission d’Accès aux Documents Administratifs) a été réalisé par Richard Moreau, un défenseur du passage de la ligne B par le boulevard Jean Royer que nous avions rencontré il y a 2 ans. Contacté, il nous confirme l’avoir reçu récemment avec l’ensemble des avis anonymisés de la concertation. Selon son propre comptage, 83% des Tourangeaux souhaitent un autre tracé que celui proposé par le boulevard Béranger. Un chiffre loin de la quasi-parité des réponses présentées dans le bilan du garant en juillet 2018. Le feuilleton de la ligne B est encore loin d’être terminé.