Le tram-train, une solution de mobilité pour des centaines de milliers de Tourangeaux

La création d’un service de tram-train en Indre-et-Loire demeure relativement abstraite pour bon nombre d’entre nous. Loin d’être un dossier purement technique, il est en mesure de proposer à la quasi-totalité des Tourangeaux une solution de transport pratique, économique et écologique. Explications.

Force est de constater que le tram-train fait partie de ces dossiers qui agitent l’écosystème tourangeau depuis des décennies. L’impératif écologique et les crises successives semblent cependant redonner un nouveau souffle à ce projet qui serait en mesure de proposer une alternative viable à la voiture individuelle à 506 400 personnes, soit 84% de la population d’Indre-et-Loire. Le tout à un rapport qualité-prix imbattable. Mais de quoi parle-t-on au juste ?

Un tramway aussi bien à l’aise en ville qu’à la campagne

Un tram-train est un véhicule ferré qui circule à la fois sur des voies de tramway en milieu urbain et sur le réseau ferroviaire classique. Le meilleur du tramway et du train réuni en quelque sorte. Il évite ainsi d’inutiles correspondances entre ces 2 modes de transport qui ne font plus qu’un en un format hybride. La ville allemande de Karlsruhe est pionnière en la matière. En France, seul Mulhouse peut se targuer de proposer un tel service avec sa ligne qui irrigue la vallée de la Thur depuis 2010. Il est à ne pas confondre avec l’offre nantaise ou de l’Ouest lyonnais qui, malgré sa dénomination de tram-train, est un TER amélioré qui ne dispose pas de connexion avec le réseau urbain de tramway.

Devant la gare de Mulhouse, tramway et tram-train cohabitent

Un tram-train, sur le modèle mulhousien donc, n’est pas adapté à toutes les agglomérations. En effet, le territoire doit être doté d’infrastructures ferroviaires qui irriguent ses principaux pôles d’activité. L’Indre-et-Loire dispose de cette chance unique avec pas moins de 8 branches partant de Tours et qui rejoignent les autres villes du département. C’est ce que l’on nomme l’étoile ferroviaire. Dans son corridor, on y trouve 84% de la population (506 400 habitants), dont 86% des actifs (212 000 habitants), 90% des emplois (218 600 habitants) et 80% des logements (247 500 habitants) selon l’étude menée par l’Agence d’Urbanisme de Tours (ATU) en 2017. Les antennes d’Amboise, Bléré, Loches et Château-Renault sont les plus dynamiques.

Cartographie prospective du réseau de tram-train en Touraine

Son déploiement viendrait mettre fin au processus d’abandon des petites lignes décidé par la SNCF. Avec l’ouverture progressive à la concurrence, la société nationale revoit sa copie et souhaite faire de ces projets sa priorité. Elle les porte grâce à son dispositif de Service Express Métropolitain (SEM). Cela est déjà le cas à Lille où les fréquences en heure de pointe seront doublées entre 2020 et 2040. Avec Amiens, Caen, Chartres et Grenoble, Tours fait partie des quelques villes françaises à disposer de cette opportunité. Elle a été intégrée dès 2013 dans Schéma de Cohérence Territoriale (SCoT). Cette même année, le PLU de la Ville de Tours décidait de réserver une emprise foncière suffisante pour la création d’une station de tram-train à hauteur du carrefour de Verdun.

Vers un réseau express de mobilité tourangeau

La création d’un arrêt à l’entrée sud de la ville de Tours permettrait d’éviter des correspondances inutiles aux utilisateurs ne souhaitant pas se rendre dans le centre-ville. Elle serait complétée par de nouvelles stations à créer sur la commune de La Riche – entre le prieuré de Saint-Cosme et la piscine « Carré d’Ô » – ainsi qu’à La Ville-aux-Dames. Dans certains cas, la réouverture d’ancienne gare serait suffisante. Citons notamment celle de Fondettes-Saint-Cyr qui n’accueille plus de voyageurs depuis une vingtaine d’années. Le trajet vers Tours centre ne prendrait alors que 5 minutes à son départ. Un temps de trajet qu’aucun autre mode de transport ne peut égaler. Rappelons que 15 000 voitures entrent encore quotidiennement dans le coeur de la métropole.

Le tram-train est également en mesure de développer des liaisons directes de périphérie à périphérie. En ce sens, il nous est possible de parler d’un véritable réseau express de mobilité tourangeau. Il comporterait des correspondances avec les grandes lignes de train et les TGV. A court terme, une amélioration des fréquences TER sur les axes de Loches, Chinon, Blois, Vierzon et Saumur constituerait un premier signal encourageant.

Comme tout mode de déplacement, le tram-train est un puissant outil d’urbanisme. Il est en capacité de limiter l’étalement urbain en restructurant nos villes autour des gares, un lieu de prédilection pour l’intermodalité. En s’inspirant des modèles néerlandais ou danois, il deviendrait alors beaucoup plus aisé de s’y rendre en vélo, à pied ou en covoiturant en proposant des services adaptés (stationnements sécurisés, commerces…).

Intermodalité en gare de Hellerup au Danemark

Un rapport qualité-prix imbattable

Contrairement aux idées reçues, la création d’un réseau de tram-train présente un rapport qualité-prix imbattable. La ligne mulhousienne de 22 kilomètres a coûté 84 millions d’euros. Une somme à mettre en perspective avec les investissements routiers souvent lourds ou les 500 millions d’euros prévus pour la 2e ligne de tramway de Tours. Elle ne compterait pourtant que 11,5 kilomètres de voies nouvelles. Cette faible facture s’explique par la préexistence de la quasi-totalité des infrastructures ferroviaires. Elles voient déjà circuler quotidiennement des trains. Il s’agirait à présent d’exploiter pleinement leur potentiel.

Dans le cas de l’Indre-et-Loire, seuls 600 mètres de rails seraient à installer au sud de Joué-lès-Tours entre l’actuel terminus de la ligne A « Jean Monnet » et la ligne SNCF Tours-Loches. Les habitants de la vallée de l’Indre seraient ainsi reliés en quelques dizaines de minutes à la métropole tourangelle. La réciproque est également vraie. D’autres travaux, à l’incidence budgétaire minime, sont à prévoir : création de voies de retournement en gare, adaptation des quais pour des gabarits de tram-train…

Des techniques qui ont déjà fait leurs preuves dans d’autres territoires. Depuis 2010, Alstom propose un véhicule spécialement conçu pour les dessertes tram-train. 97 exemplaires de ce modèle, baptisé « Dualis », circulent actuellement en France. Il a pour principal atout de proposer une motorisation hybride lui permettant de fonctionner aussi bien sur les axes électrifiés que sur ceux qui ne le sont pas. Sur les 8 branches tourangelles, 4 sont dans ce cas de figure.

Un Alstom Dualis en gare de Nantes

Dans un souci d’efficacité, la maîtrise d’ouvrage d’un tel projet doit être exemplaire. La société Lémanis est un exemple intéressant. Elle est chargée de la coordination du réseau franco-suisse baptisé Léman Express. En toute logique, le pilotage doit être confié aux autorités organisatrices de la mobilité que sont la région Centre-Val de Loire, le Syndicat des Mobilités de Touraine (SMT) et la communauté de communes Chinon Vienne et Loire. Outil précieux, les contrats de réciprocité entre les différentes intercommunalités d’Indre-et-Loire devront également être mobilisés.

La promesse d’un « big bang » des mobilités en Touraine

Vous l’aurez compris, la mise en place d’un réseau de tram-train en Touraine provoquerait un « big bang » des mobilités. Lorsque nous savons qu’aujourd’hui encore 81% des kilomètres parcourus sur notre territoire le sont en voiture – contre 15% pour les transports en commun et 4% pour les modes actifs – son potentiel est spectaculaire.

Avec une tarification attractive et harmonisée, le réseau express de mobilité tourangeau est en capacité de sortir plusieurs centaines de milliers de citoyens de leur dépendance à l’automobile avec toutes les conséquences économiques, sociales et écologiques que cela suppose. Au-delà des trajets du quotidien, le tram-train constituerait également un levier de développement majeur pour l’attractivité touristique de notre département. Il n’aura jamais été aussi simple de se déplacer au sein de notre territoire, dans les principaux centres urbains comme dans les espaces ruraux.