Saint-Pierre-des-Corps : bientôt plus de bus, mais un futur incertain pour le tramway

À Saint-Pierre-des-Corps, la dernière réunion publique du projet Lignes2Tram a suscité de vives discussions. Elus et habitants ont exprimé leurs doutes face au futur bus à haut niveau de service (BHNS), alors que la question de la desserte en tramway reste en suspens. Retour sur une rencontre animée.

Dernière d’une série de 6 réunions publiques commencée début juin à Chambray-lès-Tours, la rencontre de Saint-Pierre-des-Corps faisait partie de celles à suivre de près. Décalée d’une semaine en raison des élections législatives où s’affrontaient 2 élus de la municipalité, elle s’est finalement tenue ce mardi 9 juillet dans la salle des fêtes de la commune.

Le format différait quelque peu des précédentes. En effet, l’équipe du projet Lignes2Tram avait avant tout fait le déplacement pour présenter la future ligne de bus à haut niveau de service (BHNS). A l’horizon 2028, elle reliera le quartier des Douets à Tours Nord au centre commercial des Atlantes. En l’absence d’une desserte de Saint-Pierre-des-Corps par la 2e ligne, le tramway ne constituait pas le coeur du propos des intervenants.

La quarantaine de personnes présentes a été accueillie par le 1er adjoint corpopétrussien, Olivier Conte, qui représentait son maire visiblement souffrant. Il a rapidement cédé la parole à Christophe Boulanger. Le conseiller de la Ville de Tours délégué aux mobilités, également 1er vice-président du syndicat des mobilités de Touraine (SMT), a rappelé les excellents chiffres de Fil Bleu.

Entre 2010 et 2017, le réseau a vu sa fréquentation augmenter de 50%. Parallèlement à cela, la  « démotorisation » des ménages se poursuit. Un habitant sur 4 de la métropole tourangelle ne possède pas de voiture. Ce chiffre atteint même 1 habitant sur 2 dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV). Fort de cette dynamique, l’objectif est à présent d’atteindre les 50 millions de voyages quotidiens en bus et tram d’ici la fin de la décennie.

Plus de bus attendus

Le contrat qui lie le SMT à Keolis prendra fin en 2026. Anticipant probablement certaines critiques, Christophe Boulanger a expliqué que la future délégation de service public bénéficiera pleinement à Saint-Pierre-des-Corps. Une nouvelle ligne de bus entre la gare TGV et Chambray-lès-Tours passant par les Atlantes et Saint-Avertin devrait notamment voir le jour.

Le magasin général devrait bientôt être desservi par une ligne d’autobus régulière

L’offre actuelle serait bonifiée avec une desserte de la zone industrielle des Yvaudières et du magasin général. Le site a été cédé par la commune à Vinci Immobilier en 2021 afin d’y développer un ensemble tertiaire. Une augmentation des fréquences de la ligne 5 est également demandée au futur prestataire par la collectivité.

« Un BHNS partiel, mais pas total »

Une fois les chiffres clés du projet de la 2e ligne de tramway et de BHNS rappelés par Soazic Le Guen, directrice du SMT, sa collègue de Transamo – Valérie Dubreuil – a présenté en détail l’insertion de cette future ligne de BHNS.

Sur les 13 kilomètres, seuls 5 feront l’objet de réaménagements. Si l’itinéraire de la ligne 2 Tempo n’évoluera pas au nord de la Loire, des voies réservées seront créées boulevard Heurteloup entre la rue Mirabeau et la place Jean Jaurès en lieue et place des stationnements longitudinaux actuels. Ce qui devrait également améliorer la régularité de la ligne 5.

Dans la partie centrale, peu de changements sont à prévoir. Les abords du mail continueront de servir de parking. Maigre consolation : les pieds des arbres de cet alignement classé seront désimperméabilisés. Nous sommes loin des travaux de végétalisation exemplaires menés dans les années 1990 sur cette même artère entre la place Jean Jaurès et la rue Bernard Palissy. Un autre site propre fera également son apparition dans le quartier du Sanitas, avenue du Général de Gaulle. Si quelques arbres devront être coupés, l’alignement sera là aussi conservé.

Rue Mirabeau et Edouard Vaillant, les bus continueront de circuler au milieu du flux automobile. Interrogé sur ce point par un riverain, Christophe Boulanger a dû reconnaitre qu’il s’agissait bien d’un « BHNS partiel, mais pas total ».

En l’absence d’un site propre, bus et voitures continueront de partager la même voie rue Mirabeau

La proposition de cet habitant de la rue Mirabeau mérite pourtant d’être étudiée. Il propose de modifier le plan de circulation du quartier en déviant le trafic nord-sud par le carrefour des Français Libres sur des axes plus capacitaires. Cela permettrait de créer un site propre dans un sens de circulation.

« Le trafic routier est trop important rue Mirabeau » a botté en touche l’élu tourangeau. Il invite à attendre le déplacement de l’échangeur de l’autoroute A10 de Tours Centre vers Rochepinard… à une date indéterminée. Seule certitude : en 2028, il sera impossible de parler d’une véritable ligne BHNS. Les autobus continueront de prendre du retard dans les embouteillages, et ce, au détriment de la qualité de service offerte aux voyageurs.

Valérie Dubreuil, Soazic Le Guen et Christophe Boulanger

Un tracé « pour faire du fric » ?

Difficile de convaincre une salle globalement sceptique quant à la pertinence de cette future ligne BHNS. Son terminus aux Atlantes ne convainc pas davantage les Corpopétrussiens. « Ce tracé, c’est pour faire du fric. Vous préférez aller à un centre commercial situé à 2 kilomètres du centre-ville plutôt que de desservir des quartiers prioritaires de la politique de la ville où vivent 30% de la population communale », a pesté Mickaël Chapeau, adjoint à la culture.

La desserte du centre commercial des Atlantes par la future ligne BHNS ne fait pas l’unanimité

Une motivation que réfute vivement Christophe Boulanger. Selon lui, ce terminus anticiperait d’importants changements à venir. « Il est prévu de « retourner » l’entrée de la gare de Saint-Pierre-des-Corps vers le sud, en lien avec le nouvel échangeur de l’A10 », a-t-il expliqué.

Il n’en fallait pas plus pour que Marie-France Beaufils, mairesse de la commune de 1983 à 2020 et présente dans l’assistance, dénonce avec virulence ce projet. Elle pense qu’une telle décision constituerait une « importante erreur » étant donné que les lieux de vie sont situés au nord de la gare. « Il s’agit d’une approche purement routière. L’accès nord sera conservé pour les piétons et les cyclistes. Le parvis sera d’ailleurs prochainement rénové », a voulu rassurer le 1er vice-président du SMT.

Une requalification du parvis de la gare de Saint-Pierre-des-Corps est prévue pour l’an prochain (image Tours Métropole Val de Loire)

La promesse d’une 3e ligne de tram

Ces atermoiements ne suffisent pas à faire oublier la principale revendication corpopétrussienne : être rapidement desservi par le tramway. Un collectif citoyen pour le tramway existe d’ailleurs depuis 2017 pour défendre les intérêts de la commune.

Plusieurs de ses membres ont pris la parole durant la soirée. L’un d’eux n’a pas hésité à parler d’un « déni de démocratie » rappelant que lors de la concertation publique de 2018 près d’1/4 des contributions s’étaient positionnées pour un passage de la 2e ligne par Saint-Pierre-des-Corps. Le président du SMT, Emmanuel Denis, refuserait également de les rencontrer.

En réponse à ces critiques, Christophe Boulanger a précisé que le projet d’une 3e ligne de tramway entre Saint-Pierre-des-Corps et Saint-Cyr-sur-Loire était toujours d’actualité. La priorisation de l’axe Chambray-lès-Tours-La Riche résulterait d’une décision de Tours Métropole Val de Loire motivée par des contraintes techniques trop importantes sur le boulevard Heurteloup. Elles seraient similaires à celles qui ont conduit à l’abandon du tracé par le boulevard Béranger.

Christophe Boulanger défend une 3e ligne de tramway qui relierait Saint-Cyr-sur-Loire à Saint-Pierre-des-Corps

Pas de quoi pour autant convaincre l’assemblée. D’autant plus que localement le sujet semble transpartisan. Cédric Rosmorduc, conseiller d’opposition, a enchainé en citant une délibération métropolitaine de 2018. Elle évoquait une concertation annoncée pour 2019 « avec diffusion des études ». Il n’en a rien été. « Les études seront publiées quand elles seront prêtes. La commune doit aussi prendre sa part de responsabilité », a réagi Christophe Boulanger en regrettant l’indécision des élus corpopétrussiens quant à la définition du tracé.

Le tram-train, le grand oublié de la soirée

L’élu tourangeau en a profité pour rappeler qu’une liaison rapide existait déjà entre Tours et Saint-Pierre-des-Corps : la navette SNCF. Bien qu’elle soit étonnement absente des plans du réseau Fil Bleu, elle peut en effet être empruntée avec un titre de transport bus+tram.

Il est d’ailleurs surprenant qu’aucun participant ne se soit positionné pour défendre le développement d’une offre de tram-train. Une partie de l’emprise étant existante, il s’agirait sans doute là de la solution la plus pragmatique. Elle est d’ailleurs proposée par l’association pour le développement des transports collectifs en Touraine (ADTT).

Le tram-train entre Tours et Saint-Pierre-des-Corps tel qu’il est proposé par l’ADTT

Sur le modèle de ce qui existe à Mulhouse ou à Sarreguemines, le tram-train partirait ainsi de la gare de Tours, effectuerait une halte à proximité de la Rotonde avant de desservir la gare de Saint-Pierre-des-Corps. Il passerait ensuite en insertion urbaine pour irriguer les quartiers corpopétrussiens tels que celui de la Rabaterie ou de la Morinerie.

Des coûts qui restent à déterminer

3e ligne de tramway ou tram-train, quel pourrait être le budget d’une telle infrastructure ? « L’argent n’est qu’un prétexte. La pollution coûte chaque année plusieurs dizaines de milliards d’euros », a tonné un adhérent du collectif citoyen pour le tramway.

Christophe Boulanger s’est lui aussi montré confiant. Il pense que ces craintes sont les mêmes que celles qui ont pu être entendues lors du projet de la 1re ligne. « La capacité d’investissement de Tours Métropole est réelle », a-t-il affirmé. Le lendemain, la chambre régionale des comptes publiait pourtant un rapport plus nuancé.

« Des économies peuvent être réalisées. Est-il par exemple nécessaire d’aller jusqu’à La Papoterie ? », a poursuivi Marie-France Beaufils. Christophe Boulanger a invité l’ancienne élue à « se saisir de l’enquête publique ». Cela tombe bien : elle commencera le 16 septembre prochain et durera 5 semaines. Nul doute que les Corpopétrussiens sauront se mobiliser pour faire entendre leur voix.