Dans le Chinonais, mobilisation pour sauver la voie ferrée des Sables-d’Olonne

Le chemin de fer des Sables-d’Olonne n’a jamais été autant menacé. Dans le Sud du département, un projet de voie verte entre Chinon et Marçay risque d’interrompre son linéaire de 246 kilomètres qui reliait Tours à la côte Atlantique. Sur le terrain, l’opposition s’organise.

On ne présente plus l’étoile ferroviaire tourangelle. Récemment labellisée « service express régional métropolitain » (SERM), elle irrigue l’Indre-et-Loire grâce à ses 10 branches dont 8 sont dédiées aux trains du quotidien. Si la plupart d’entre elles se prolongent en dehors du département, 2 d’entre elles se terminent en cul-de-sac à Chinon et à Loches.

Les conséquences d’une longue rétraction du réseau ferré

On aurait tendance parfois à l’oublier, mais il n’en a pas toujours été ainsi. Ces 2 impasses résultent de l’important travail de sape du réseau ferroviaire français ayant eu lieu dans l’après-guerre, et ce, au profit de la route. De nombreuses lignes ont alors fermé.

A Chinon et à Loches le train ne va pas plus loin, mais cela n’a pas toujours été le cas

Du côté de Loches – qui n’était jusqu’en 1970 qu’un arrêt entre Tours et Châteauroux – il y a de bonnes raisons d’espérer que les trains y circulent un jour de nouveau. Les élus de l’Indre se mobilisent en ce sens et une association a été constituée. Pas plus tard qu’au début de ce mois, elle organisait une opération militante de « débroussaillage » sur les anciennes voies.

Des tronçons abandonnés… et parfois rouverts !

Dans le Chinonais, la situation est beaucoup plus alarmante. Ce territoire est traversé par l’ancienne ligne des Sables-d’Olonne à Tours, longue de 246 kilomètres. A quelques mois des 150 ans de son inauguration, le moins que l’on puisse dire c’est qu’elle n’a jamais été autant menacée.

Pour bien comprendre la situation, une approche par tronçon est nécessaire. Le plus connu est celui qui relie Tours à Chinon et où 16 TER circulent quotidiennement. Il avait d’ailleurs été fermé entre 1980 et 1982 avant de réouvrir sous la pression notamment d’Yves Dauge qui allait devenir sénateur-maire de la sous-préfecture. La section entre Chinon et Thouars n’a pas eu cette chance. Elle ne propose plus de trafic voyageurs depuis 1970.

Bien que fragile, le fret continue tout de même de circuler sur cette dernière entre Beuxes (Vienne) et Thouars (Deux-Sèvres). Il n’est donc plus possible de voir des trains sur un court tronçon d’à peine 14 kilomètres entre Chinon et Beuxes. Entre Thouars et Les Sables-d’Olonne, la ligne est toujours empruntée par des TER et des trains de fret.

La fin d’une ligne historique ?

Toutes les inquiétudes se portent sur ces 14 kilomètres, dont les 2/3 sont situés en Indre-et-Loire et traversent les communes de Chinon, La Roche-Clermault et Marçay. La communauté de communes de Chinon, Vienne et Loire – dont font partie ces 3 municipalités – souhaite transformer le chemin de fer en une voie verte. Une délibération d’avril 2023 a marqué le point de départ de ce projet.

Loin d’être anodine, cette décision viendrait définitivement couper la ligne des Sables-d’Olonne à Tours qui – jusqu’à aujourd’hui – est demeurée une propriété de la SNCF. Elle est indissociable du développement de cette station littorale et, plus largement, de l’essor du tourisme balnéaire au tournant du XXe siècle.

Plusieurs témoignages de cet axe historique sont encore visibles jusqu’à Tours. La rue de la Vendée longe l’ancienne emprise de la gare de la compagnie des chemins de fer de Vendée. Au-dessus du Cher, le tramway emprunte aujourd’hui un ouvrage situé à l’emplacement exact de l’ancien pont… de la Vendée.

« Il ne s’agit pas d’opposer le train au vélo »

Autant dire que l’annonce du déclassement de cette portion de ligne n’est pas du goût de tous. La mobilisation s’organise autour de l’association pour le développement des transports collectifs en Touraine (ADTT). L’organisation avait déjà participé – avec succès – au sauvetage de la ligne Tours-Chinon au début des années 1980.

« A une époque où l’on souhaite de nouveau développer le train en raison de ses vertus écologiques et économiques, il ne faut surtout pas obérer l’avenir », explique Vincent Degeorge, président de l’ADTT, qui a organisé une visite sur place à la mi-juillet.

Ce ne serait pas la première opération de ce type. Les lignes de Chinon-Richelieu et Descartes-Le Blanc ont déjà été transformées en voie verte, au détriment de la régénération d’anciennes voies ferrées. Malgré le caractère touristique indéniable de ces projets, il s’agit d’une dégradation objective de l’offre de mobilité dans ces territoires déjà mal ou peu desservis.

« Il ne s’agit pas d’opposer le train au vélo. Ces 2 modes de transport sont complémentaires. La création de cette voie verte illustre bien qu’une demande existe en matière de déplacement entre Chinon et Marçay », constate-t-on du côté de l’ADTT.

Un potentiel de développement important

L’attente des voyageurs serait même bien plus grande à en croire le succès rencontré depuis 2013 par le « train des plages ». Fonctionnant uniquement les week-ends d’été, il relie Saumur aux Sables-d’Olonne sans changement. Sa fréquentation ne cesse d’augmenter. Le reste du temps, les Tourangeaux doivent effectuer une correspondance à Angers ou à Nantes pour rallier la célèbre station balnéaire.

Avec la réouverture de la ligne, Thouars pourrait être mis à 2 heures de Paris

Ironie du sort, même la liaison TER directe entre Tours et Bressuire (2 allers-retours quotidiens) doit obligatoirement passer par Saumur. Ce détour pourrait être facilement évité avec la réouverture de ce tronçon de la ligne des Sables-d’Olonne à Tours. L’ADTT veut encore y croire. « C’est une opportunité pour le territoire : Thouars serait mis à seulement 2 heures de Paris avec une correspondance à Tours ».

2 projets compatibles ?

D’autant plus que trains et vélos pourraient parfaitement cohabiter le long de cet itinéraire. Vincent Degeorge cite l’exemple du viaduc ferroviaire de Chinon sur la Vienne. Cet ouvrage dont les plans ont été attribués à Gustave Eiffel est équipé d’une unique trémie. Ses piles ont pourtant été conçues pour en recevoir 2. Une passerelle piétonne/vélos pourrait donc parfaitement lui être adjointe sans modification structurelle lourde.

Le viaduc de Chinon est suffisamment large pour accueillir une passerelle piétonne/vélos

Quand la SNCF démantèle son propre réseau…

Mais alors pourquoi une telle décision de la part de la collectivité ? « Ce projet, c’est avant tout une aubaine pour la communauté de communes. Le foncier est totalement gratuit pour elle. SNCF Réseau se charge de déferrer à ses frais [les rails sont encore présents sur la quasi-totalité du tracé, NDLR]. En fin de compte, c’est l’usager du train qui paye la facture de ces travaux », s’étonne Vincent Degeorge.

Un paradoxe que n’a pas manqué de souligner l’association dans le cadre de la consultation pour la fermeture administrative de la ligne. Il s’agit d’une procédure légale organisée par SNCF Réseau en mars dernier. L’ADTT y a émis un avis défavorable. Elle a reçu le soutien d’Yves Dauge.

Une procédure de déclassement parcellaire

Sa réponse argumentée fait part de son étonnement quant à l’absence de toute mention de l’étude d’opportunité réalisée en 2013 à la demande des communautés de communes concernées (!). Ces conclusions étaient pourtant claires. « Il est nécessaire de remarquer que la motivation des élus, c’est-à-dire les aménagements qu’ils sont prêts à mettre en place pour développer l’attractivité, joue un rôle important dans la réalisation d’un projet ».

Absente également la consultation des principaux employeurs du territoire, dont la centrale nucléaire de Chinon et le Center Parcs des Trois-Moutiers. « Ce village vacances va jusqu’à proposer des services par cars au départ de Tours pour ses salariés », nous relate le président de l’ADTT. Le spécialiste est également président de la fédération nationale des associations d’usagers des transports (FNAUT) Centre-Val de Loire.

L’association ne compte pas en rester là. Outre son avis défavorable à SNCF Réseau, elle a fait savoir sa vive opposition à ce déclassement lors du comité des partenaires de la communauté de communes de Chinon, Vienne et Loire du 1er juillet dernier.

Pour la communauté de communes, « rien n’est arrêté »

« Rien n’est arrêté. […] Notre idée est que le tracé [de la voie verte] fasse consensus pour les partenaires et les usagers », a réagi le président de la communauté de communes, Jean-Luc Dupont, dans les colonnes de La Nouvelle République. Sans pour autant croire à un retour du train. « Rien que pour faire re-circuler des trains sur le pont de chemin de fer [sur la Vienne], il faudrait plusieurs millions d’euros ».

Si le retour du train était décidé, une coordination interrégionale serait nécessaire. Du côté du Centre-Val de Loire et malgré une politique volontariste en matière d’investissements ferroviaires, le dossier ne semble pas (encore) être à l’ordre du jour. Constat partagé du côté de la Nouvelle-Aquitaine. La région sait pourtant être moteur. En décembre dernier, elle a notamment réactivé la ligne de fret entre Niort et Thouars.

Une réunion de travail est annoncée pour la rentrée de septembre. Les éléments de la procédure de déclassement sont quant à eux attendus pour la fin 2024 ou le début 2025.

Si cette décision venait à se confirmer, l’ADTT se dit prête à saisir le tribunal administratif afin de faire en sorte que la mythique ligne des Sables-d’Olonne à Tours ne devienne pas chose du passé. Vous également les soutenir en les contactant.