Manifeste : pour une approche pragmatique de la 2e ligne de tramway

Le projet de la seconde ligne de tramway de Tours Métropole Val de Loire est aujourd’hui à la croisée des chemins. Alors que les retards s’accumulent et qu’une crise politique profonde secoue notre métropole, il est temps qu’une parole citoyenne responsable s’exprime. Observateurs avertis des questions de mobilités, impliqués dans la conception et la réalisation de la première ligne, nous voulons porter une vision ambitieuse et pragmatique du projet avant l’enquête publique prévue pour l’an prochain.

Inaugurée en septembre 2013, la première ligne de tramway est un succès populaire et elle fait partie de la vie quotidienne des Tourangelles et des Tourangeaux. Sa fréquentation dépasse les estimations les plus optimistes, et les voix qui se sont élevées jadis contre le projet sont aujourd’hui les premières à s’en féliciter.

Fortes de ce succès, les huit années qui viennent de s’écouler auraient dû être mises à profit pour renforcer cette dynamique et développer les mobilités de demain. Sans conteste, celles- ci passent par la réalisation d’une deuxième ligne de tramway qui réponde efficacement aux besoins de déplacement dans la métropole tourangelle tout en participant à un développement urbain maîtrisé. Depuis la concertation du printemps 2018, nous savons que le projet prévoit de relier La Riche à Chambray-lès-Tours, entre le Prieuré de Saint-Cosme et le quartier de la Papoterie. Déjà à l’époque, nous avons émis, comme beaucoup, de sérieuses réserves sur le tracé proposé.

Tours Métropole Val de Loire s’est enfoncée cet été dans une crise d’une ampleur sans précédent. Hier lieu de consensus, elle est devenue une arène politique où les grands projets structurants pourraient faire les frais de joutes politiciennes et d’instrumentalisations. Le projet de la deuxième ligne de tramway en fait partie. C’est la raison pour laquelle nous plaidons pour un ajustement du projet qui prenne en compte le calendrier initial, les objections citoyennes et les capacités financières de la collectivité épinglées par la Cour des comptes dans son rapport d’observations du 21 décembre 2015.

En premier lieu et compte tenu du consensus autour du tracé sud, nous militons pour une réalisation sur la mandature du tronçon entre le carrefour de Verdun et l’hôpital Trousseau. Le quartier des Fontaines, de la Bergeonnerie et le pôle d’enseignement de Grandmont seront desservis. Cela permettra aussi de repenser l’espace public en l’apaisant. En revanche, les 2,5 kilomètres entre l’hôpital Trousseau et la Papoterie doivent être abandonnés. A 20 M€ le kilomètre, rien dans ce secteur peu dense et majoritairement boisé ne justifie à ce stade d’investir aussi lourdement dans ce mode de transport, d’autant que l’impact ultérieur sur les coûts d’exploitation n’a pas encore été évoqué.

En centre-ville et à l’ouest, force est de constater que le projet de tracé de la Métropole n’est pas mature. Les problèmes s’accumulent et mettent en danger la viabilité du projet. La reconfiguration de la place Jean Jaurès et le mail historique du boulevard Béranger concentrent toutes les inquiétudes. Ces lieux sont plébiscités par la population qui y voit une représentation emblématique de la ville. S’agissant des platanes centenaires du boulevard, le rapport de 2018 d’un docteur en écologie était alarmant. De nouveau mandaté cet automne, il serait étonnant que ses conclusions diffèrent.

La suite de l’itinéraire voit s’enchainer huit virages qui nuiront à la rapidité, et donc à l’attractivité de la ligne. Dans le centre-ville de La Riche, la situation n’est guère plus fluide. Les bâtiments et les habitations de toute une partie de la rue de la Mairie et de la route de Saint-Genouph devront être abattus pour laisser place au tramway. A ce sujet, il y a de quoi s’étonner lorsqu’on apprend que 6,7 millions d’euros ont déjà été engagés dans les acquisitions foncières alors que l’enquête d’utilité publique n’est pas encore commencée.

Composante du projet de la deuxième ligne de tramway, une ligne de Bus à Haut Niveau de Service (BHNS) est annoncée qui devrait relier Les Douets à la zone commerciale des Atlantes. La section Les Douets-Liberté a montré sa pertinence avec l’excellente fréquentation de la ligne 2 Tempo actuelle. Toutefois, plutôt que les Atlantes, d’autres secteurs devraient être desservis en priorité. Compte tenu de son succès et de la densité de la circulation automobile sur l’ancienne Nationale 10, nous pensons notamment à l’important espace commercial s’étalant tout le long de l’avenue du Grand Sud à Chambray- lès-Tours.

Par ailleurs, nous défendons la création d’une ligne BHNS est-ouest à la hauteur des standards actuels reliant Saint-Pierre-des-Corps à La Riche. Elle devra notamment irriguer les centres-villes de ces deux communes et de Tours, ainsi que des catalyseurs de trafic majeurs tels que la ZAC du Plessis-Botanique, l’hôpital Bretonneau, Mame, les Tanneurs, les gares de Tours et Saint-Pierre et le quartier de La Rabaterie. A moyen terme, cette infrastructure pourra préfigurer la troisième ligne de tramway.

Le même constat s’applique au dernier volet du projet présenté par Tours Métropole Val de Loire. A savoir, la prolongation de la première ligne de tramway jusqu’à l’aéroport. Elle n’avait pas été réalisée en 2013 pour des raisons qui demeurent toujours d’actualité. Son coût extrêmement élevé (23 millions d’euros) pour seulement 600 mètres de voies nouvelles s’explique par la construction d’un pont permettant au tramway d’enjamber le boulevard Abel Gance. En l’absence de projet urbain abouti sur la zone, son unique objectif serait de desservir une aérogare à l’avenir toujours incertain. Une fois encore, nous souhaitons faire preuve de pragmatisme en proposant la mise en place à court terme d’une navette électrique cadencée sur les horaires de vol pour relier l’aéroport de Tours au terminus du tramway « Vaucanson » ou à la gare.

L’ensemble de ces éléments, auquel il faut ajouter le turnover des directeurs de projet, nous font craindre pour la viabilité du projet de mobilité globale porté par Tours Métropole Val de Loire. Compte tenu du retard pris au cours de ces dernières années, nous ne serions pas

étonnés que le budget prévisionnel estimé à 430 millions d’euros en 2018 dérive et finisse par flirter avec le demi-milliard d’euros. Le « quoi qu’il en coûte » n’est pourtant pas d’actualité pour les finances du Syndicat des Mobilités et donc, de la Métropole.

Il est encore temps d’ajuster ces ambitions aux circonstances exceptionnelles que traverse la Métropole, en privilégiant l’efficacité des investissements publics au service de la mobilité globale des usagers du territoire. Nous espérons que la responsabilité et le pragmatisme guideront les futurs choix de nos décideurs.

Arlette Bosch – adjointe aux affaires sociales sous Jean Germain

Alain Devineau – ancien adjoint à l’origine du projet du tramway de Tours sous Jean Royer et Jean Germain

Jean-Pierre Lapaire – maître d’ouvrage délégué du tramway d’Orléans et conseiller de la 1re ligne de tramway de Tours

Sybille Madelain-Beau – ancienne architecte des Bâtiments de France à Tours

Mathis Navard – fondateur de letramdetours.net

Patrice Wolf – directeur du réseau Fil Bleu de 2006 à 2010