L’arrivée de la nouvelle ligne de tram à l’horizon 2026 entrainera une réorganisation profonde du réseau Fil Bleu. L’actuelle ligne 2 Tempo à haut niveau de service sera particulièrement concernée. Si son terminus nord demeurera inchangé, sa branche sud sera réorientée. Une belle opportunité pour améliorer la desserte de l’est de la Métropole, mais qui s’annonce déjà être une occasion manquée en raison d’un manque flagrant d’ambition. Explications et propositions.
La future ligne B de tramway est actuellement au coeur de l’actualité. A tel point que l’on oublierait presque qu’il s’agit d’un projet global de mobilité – estimé à 485 millions d’euros – qui attend Tours et sa Métropole d’ici les 5 prochaines années. Deuxième axe fort du réseau Fil Bleu, la ligne 2 Tempo va être profondément remaniée à cette occasion. Si au nord de la Loire rien ne change, son tronçon sud entre le carrefour de Verdun et le CHU Trousseau va être remplacé par le tram. Son terminus sera donc déplacé vers l’est. Alors que beaucoup s’attendaient à voir cette ligne de Bus à Haut Niveau de Service (BHNS) desservir le centre-ville de Saint-Pierre-des-Corps, le centre commercial des Atlantes y a été préféré.
Les Atlantes, plutôt que le centre-ville de Saint-Pierre-des-Corps
La 4e commune la plus peuplée d’Indre-et-Loire et la deuxième en termes de densité devra donc passer son tour… jusqu’à la construction de la 3e ligne de tramway. Rappelons qu’entre la 1re et la 2e ligne, au moins 13 ans ce seront écoulés. Ce n’est donc pas pour demain. Une décision qui peut surprendre lorsque l’on sait que la commune se prépare à l’arrivée d’un transport en commun de haute capacité depuis plus de 20 ans. La configuration de l’avenue Jean Bonnin est sans aucun doute l’exemple le plus criant. Le potentiel de fréquentation y est élevé et plusieurs quartiers, à l’instar de la Rabaterie, mériteraient d’être désenclavés. De nombreux commerces, logements et ce, sans parler de la gare, pourraient ponctuer le corridor d’une ligne BHNS promise à un beau succès. Elle traverserait des zones inondables pour lesquelles la création d’une plateforme de tramway sera soumise à de nombreuses contraintes.
Un choix qui aurait sans doute été mieux compris si le tracé de substitution était de qualité. Or, cela ne semble pas être le cas. Malgré les 38 millions d’euros qui seront dépensés (6,6 millions d’euros le kilomètre), les ambitions affichées sont extrêmement faibles.
Cela commence tout d’abord par le matériel retenu. Un récent appel d’offres nous apprend que les infrastructures seront dimensionnées pour un autobus articulé de 18 mètres de marque Solaris. Le modèle qui circule déjà aujourd’hui et qui – mis à part quelques autocollants – ne dispose d’aucune caractéristique propre aux modèles conçus pour ce type de ligne à haut niveau de service. Un simple tour du côté du Mans permet de bien saisir cette nuance.
Au-delà du matériel roulant, le tracé peine aussi à convaincre. A l’est, la future ligne Tempo partira devant la future extension du centre commercial des Atlantes, à quelques mètres du nouveau stationnement qui viendra agrandir celui existant et déjà surdimensionné de plus de 5 hectares, soit 2000 places (!). Rien de tel pour encourager l’usage des véhicules personnels dans un secteur conçu pour ces derniers et où la réduction de leur part modale semble être vouée à l’échec.
L’avenue Jacques Duclos et son (très) discret site propre
La réussite d’un axe à haut de niveau de service réside dans sa capacité à offrir un temps de parcours concurrentiel par rapport aux autres solutions de déplacement. Pour cela, la priorité aux feux de signalisation et la création de voies réservées sont essentielles. Force est de constater que ces sites propres ne seront pas légion sur le parcours de cette nouvelle ligne. Cette absence se fera sentir dès la sortie des Atlantes, avenue Jacques Duclos, où aucun aménagement n’est prévu à l’exception d’un couloir de quelques mètres à l’approche de 2 intersections. Difficile d’arguer un manque de place sur cette 2×3 voies large de 23 mètres…
Les cyclistes, quant à eux, devront se contenter du trottoir partagé existant, ponctué de panneaux publicitaires, et source de conflits avec les piétons dans un environnement particulièrement hostile. D’autres solutions sont possibles, sans même réduire le nombre de voies de circulation. Notre proposition l’illustre.
N’espérez pas mieux rue Edouard Vaillant, dont la largeur varie entre 14,8 mètres et 15,7 mètres. Ni bande ni piste cyclable et encore moins de sites propres. Les autobus se retrouveront ainsi bloqués dans le trafic souvent chargé de cet axe pénétrant, occasionnant de multiples retards. La création a minima d’un site propre en sens unique – comme c’est déjà le cas depuis une dizaine d’années rue Auguste Chevallier – aurait été un signal fort.
Les 1res voies réservées apparaissent au Sanitas
Ce n’est finalement qu’à l’entrée de l’avenue du Général de Gaulle, soit à 1,4 kilomètre après le début de la ligne, que les autobus Tempo pourront (enfin) circuler sur des voies qui leur sont réservées tout le long de cette artère, à l’exception du franchissement du pont SNCF. Le nombre de stationnements sera revu à la baisse. Ils laisseront place à 3000m2 d’espaces verts. Seule une incertitude subsiste à la hauteur de la place Tulasne où le site propre pourrait être supprimé au profit d’une dizaine de places de parking. Bon point, les vélos circuleront sur une piste cyclable.
Fait notable, la Rotonde sera profondément impactée puisqu’une partie du bâtiment se trouve sur l’emprise du projet. Si peu de personnes regretteront le centre commercial à la réputation sulfureuse, il y a fort à parier que certains Tourangeaux s’émeuvent de la disparition probable de la halle sportive de 5600m2, dernier témoignage du glorieux passé ferroviaire du quartier.
La Rotonde en avril 2021… … et en novembre 1965 (Archives départementales)
Boulevard Heurteloup, une insertion qui reste à trancher
En empruntant une avenue de Grammont dont la physionomie ne sera pas modifiée par le projet, la ligne à haut niveau de service reprendra son itinéraire actuel. Une voie réservée sera créée place Jean Jaurès pour les autobus circulant dans le sens nord>sud. Il sera directement relié à celui du boulevard Heurteloup qui se verra doté presque intégralement d’un site propre jusqu’à la rue Mirabeau. Une avancée qui devrait constituer une réelle plus-value pour l’amélioration de la ponctualité dans ce secteur souvent encombré.
Reste à connaître la manière dont il sera positionné. Une intégration latérale – de part et d’autre du mail le long des façades – semble être favorisée (variante 2), mais la possibilité de faire circuler les bus en double sens sur la partie nord est également étudiée (variante 1). Dans ce cas, une voie sera partagée avec les automobilistes. La majeure partie du stationnement sera conservée tandis que les piétons et les cyclistes circuleront sur le mail central récemment rénové. Espérons que ces aménagements viendront améliorer la sécurité des intersections accidentogènes qui ponctuent cette promenade arborée.
Absence d’ambition rue et pont Mirabeau
Le constat est moins réjouissant rue Mirabeau où rien ne changera. Rien, ou presque. Mis à part l’ajout d’une courte voie réservée en sens unique à l’approche du boulevard Heurteloup et du pont Mirabeau, l’artère conservera sa configuration actuelle malgré ses 15 mètres de large moyens qui autoriseraient davantage d’audace. Comme le suggère notre proposition, la création d’un site propre dans un sens de circulation serait le strict minimum. Sans aucun aménagement spécifique, les cyclistes continueront de circuler dans le flux automobile. Seule une révision du plan de circulation permettrait d’agir réellement ici, en y intégrant un report d’une partie du trafic sur l’avenue Georges Pompidou notamment.
Sur le pont Mirabeau et ses 2×2 voies, il est davantage question de détériorations que d’évolutions. Le site propre nord>sud sera maintenu. Rien n’est prévu pour les autobus circulant dans l’autre sens. Les cyclistes – qui bénéficient actuellement d’une bande cyclable unidirectionnelle – ne seront pas en odeur de sainteté puisque cet aménagement déjà peu qualitatif disparait tout simplement des plans présentés. Au nord de la Loire, la ligne Tempo poursuivra son trajet actuel jusqu’aux Douets.
L’inquiétante perspective d’une ligne à « bas niveau de service »
Si des améliorations nettes peuvent être attendues boulevard Heurteloup, elles seront annulées par l’absence de sites propres sur une grande partie de l’itinéraire aménagé entre Les Atlantes et le pont Mirabeau. Cela s’explique par la volonté d’emprunter des axes compliqués et fortement fréquentés. La rue Edouard Vaillant en est l’illustration. Le choix du terminus devant l’un des plus vastes centres commerciaux du Grand Ouest – où l’usage de la voiture ne pourra pas diminuer de manière significative – surprend. A contrario, tous les équipements situés à proximité (parc des expositions, stade de la Vallée du Cher, gymnase, collège, lycée…) sont totalement exclus de la réflexion.
La création d’une nouvelle ligne à haut niveau de service constitue une opportunité précieuse pour desservir de nouveaux secteurs dans l’optique de développer un réel maillage du territoire. Cela ne sera pas le cas ici puisque, entre le quartier du Sanitas et la gare de Tours, la future Tempo partagera le même corridor que la 1re et la 2e ligne de tramway. Un réseau attractif ne peut pas se structurer de cette manière alors que d’autres secteurs plus pertinents – le centre-ville de Saint-Pierre-des-Corps en tête – demeureront à l’écart pour de longues années encore. 485 millions d’euros auront été dépensés entre temps.
Enfin, la faiblesse des aménagements cyclables proposés tranche totalement avec la volonté de promouvoir ce mode de déplacement à l’échelle métropolitaine. Les modes actifs sont les grands oubliés. Un comble pour ce projet de « mobilité durable ». A l’exception de l’avenue du Général de Gaulle, aucun gain ne sera obtenu. Pire, la cyclabilité des artères structurantes (rue Edouard Vaillant et Mirabeau) sera toujours proche du néant. Sur le pont Mirabeau, elle sera même dégradée avec le retrait de la bande actuelle. A la lumière de ces différents éléments, il ne reste plus qu’à espérer que les décideurs seront en mesure de revoir leur copie à temps.
Pour découvrir l’ensemble du projet de mobilité, rendez-vous sur notre page « Ligne B ».
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J’ai beau chercher’ je ne vois pas comment rejoindre l’avenue Jean Bonin, le cœur de Tours (Jean Jaurès ou Gare) et Maréchal Juin sans perdre le côté « tempo » de la ligne. À la rigueur, ça serait presque mieux de la tronçonner en 2 lignes