Un tram sur pneus à Tours ?

A Tours, le sprint final pour le second tour des élections municipales qui se tiendra le 28 juin prochain s’engage. Entre le maire sortant et le candidat écologiste, les mobilités sont une thématique favorable aux débats d’idées. Sans surprise, la deuxième ligne de tramway revient sur le devant de la scène… Mais s’agira-t-il vraiment d’un tramway ?

Il y a déjà presque 7 ans, Tours et son agglomération inauguraient leur première ligne de tramway. Derrière cet événement, resté gravé dans l’histoire locale, se cache un long combat de plus de 20 ans pour faire revenir le tram ferré. Malgré une opposition virulente à l’époque, rares sont ceux qui osent encore critiquer cette véritable réussite locale. L’objectif des 50 000 voyageurs quotidiens a très vite été atteint. Certains jours, ce sont plus de 70 000 utilisateurs qui empruntent ce tracé, devenu une véritable colonne vertébrale pour l’agglomération. Dès lors, une seconde ligne doit venir compléter un maillage plus important du territoire.

Une « nouvelle réflexion » pour la ligne B ?

Nous voici désormais en 2020. Certes, la ligne B a déjà fait couler beaucoup d’encres, mais force est de constater que si peu de choses ont avancé. 2 ans après une concertation publique soumise à de vives critiques et dont les tensions se sont cristallisées autour de la desserte de l’hyper-centre de Tours, les études semblent traîner. Maintenant promise pour 2025, la déclaration d’utilité publique et le début des travaux s’annonçaient être imminents. Cependant, le maire sortant, Christophe Bouchet, s’est déclaré être en faveur d’une nouvelle réflexion concernant le tracé et le mode de transport.

Quand Tours hésitait encore entre le tramway ferré et le matériel sur pneus… C’était il y a 20 ans.

Le tramway sur fer pourrait donc laisser place à un matériel sur… pneus ! Un rétropédalage regrettable qui nous ramène 25 ans en arrière. En France, seuls Clermont-Ferrand, Nancy, l’Île-de-France et Caen se sont laissé séduire par ce concept à l’aube des années 2000. Pannes à répétition, infrastructures défectueuses, pièces introuvables… Un choix que beaucoup regrettent aujourd’hui. Les Caennais ont été les premiers à mettre cette solution au rebut en le remplaçant par un matériel ferré, et ce, seulement 15 ans après sa mise en service. Sa durée de vie initiale devait être 2 fois plus importante. L’opération aura tout de même coûté 215 millions d’euros.

Le TVR de Caen en 2012, 5 ans avant son abandon (photo letramdetours.net)

Une solution plus économique ? Pas vraiment…

Défendre la création d’un « tramway » sur pneus à Tours est une hérésie. Elle ne sera la source d’aucune économie. Faire fonctionner parallèlement 2 systèmes radicalement différents ne ferait qu’alourdir la facture en termes d’entretien. Toute tentative d’achat mutualisé restera vaine. Le centre de maintenance de Tours Nord est déjà dimensionné pour accueillir les rames de la seconde ligne.

La réputation du tram ferré n’est plus à faire. Il est le seul mode de transport non polluant, structurant et vecteur d’attractivité. La première ligne tourangelle en est la parfaite illustration. Elle a permis de redynamiser le centre-ville tout en désenclavant les quartiers qu’elle traverse. Plus qu’un moyen de se déplacer, c’est la promesse d’améliorer notre cadre de vie et de repenser la ville en le conjuguant à un urbanisme de qualité. Les transports sur pneus doivent être réservés aux autobus, lignes de bus à haut niveau de service, trolleybus et dessertes fines. Des compléments efficaces au service offert par le tramway. Il est regrettable qu’aucun enseignement n’ait pu être retenu de la réussite de la ligne A.

Mis en service en 2001, les premiers véhicules du réseau TEOR (Rouen) ont été réformés prématurément en raison de nombreux problèmes techniques (photo letramdetours.net)

Un investissement adapté pour répondre efficacement à la saturation de la 2 Tempo

Reste la capacité d’investissement pour un tel projet. Dans les mois à venir, les fonds mobilisables devront faire l’objet d’une étude approfondie. Si le budget pour une ligne reliant La Papoterie (Chambray-lès-Tours) au Prieuré de Saint-Cosme (La Riche) ne pouvait être constitué, il sera nécessaire de lancer une réflexion sur l’axe nécessitant en priorité un mode de transport de plus grande capacité. Etant donné la fréquentation actuelle de la ligne d’autobus 2 Tempo, le tronçon Hôpital Trousseau-gare de Tours serait probablement le plus apte à recevoir de tels aménagements. Les antennes de La Riche et Saint-Pierre-des-Corps pourraient ainsi être desservies par des bus à haut niveau de service « zéro carbone » circulant intégralement en site propre. En l’absence d’un guidage par rail ou par un système optique, il ne s’agira en aucun cas d’un « tramway » sur pneus.

L’urgence climatique nous invite à repenser les déplacements au sein de Tours Métropole Val de Loire. Afin d’y parvenir, il est essentiel d’opter pour une vision globale qui se traduit par une politique intermodale à la hauteur des enjeux. En complément des lignes de bus, il est devenu crucial d’exploiter le potentiel inutilisé de l’étoile ferroviaire tourangelle. Sans créer de nouvelles infrastructures, il est possible de permettre aux habitants de La Membrolle-sur-Choisille, Fondettes ou bien encore Montlouis-sur-Loire de se rendre en plein coeur de Tours en seulement quelques minutes. En conservant cette approche transversale, une politique cyclable de qualité doit être rapidement élaborée. En cette période charnière où ces questionnements n’ont jamais été aussi essentiels, Tours et sa métropole disposent de tous les atouts pour imaginer une mobilité douce, propre, économique et bonne pour la santé.