Cycliste tuée à Tours : il y a urgence à sécuriser nos intersections

Une femme a perdu la vie hier matin à vélo à l’angle de la rue Marceau et des Halles. Sur la route, cyclistes et piétons sont particulièrement vulnérables. Les aménagements des intersections sont pourtant souvent négligés. Cette situation doit changer, au risque que de nouveaux drames se produisent bientôt. Tour d’horizon des solutions.

Inauguré en grande pompe samedi dernier, l’itinéraire 10 du réseau Vélival est déjà endeuillé. Ce mardi 8 octobre dans la matinée, une cycliste circulant rue Marceau a été fauchée par le conducteur d’un poids lourd de livraison qui lui a refusé la priorité lors de sa giration vers la rue des Halles. La victime de 38 ans est décédée peu après le choc.

Bien qu’il soit bien sûr trop tôt pour faire toute la lumière sur ses circonstances, cet accident soulève forcément de nombreuses questions. Des véhicules de plusieurs tonnes truffés d’angles morts sont-ils adaptés à de la logistique urbaine ? Les conséquences de ce choc auraient-elles été aussi tragiques si ce quartier était davantage apaisé, et ce, alors que la piétonnisation de la très commerçante rue des Halles est réclamée depuis des années ?

Ce drame nous rappelle aussi tragiquement que les cyclistes et les piétons sont particulièrement vulnérables dans l’espace public. Or, nous constatons que les aménagements des intersections où cohabitent piétons, cyclistes et automobilistes sont encore trop souvent négligés.

Le drame a eu lieu à l’intersection récemment réaménagée de la rue Marceau et des Halles

Le référentiel d’aménagement, ce grand absent

Cette situation s’explique en partie par l’absence d’un référentiel commun en matière d’infrastructures dédiées aux modes actifs, et ce, tant à l’échelle nationale que locale. De plus en plus de collectivités françaises se dotent d’un tel document, à l’image du département d’Île-et-Vilaine. Ce n’est pas le cas en Indre-et-Loire.

Le développement du réseau cyclable structurant Vélival en est la meilleure illustration. La qualité des aménagements varie grandement d’une commune à l’autre, donnant ainsi l’impression d’une forme de bricolage, sans réelle harmonisation au sein de l’espace métropolitain. Accepterions-nous que la signalisation d’une route nationale ou d’une autoroute évolue tous les kilomètres ? Probablement pas.

Ce changement de règles permanent n’est pas sans conséquence. Elus et services techniques n’ayant pas les ressources pour signaler et sécuriser correctement les intersections, chacun y va de sa créativité. Il est fréquent que le marquage au sol ne corresponde pas aux panneaux de signalisation. Pire, il vient parfois les contredire.

Les couleurs et les pictogrammes employés pour marquer une traversée sont également d’une grande hétérogénéité. Enrobé brut, grenaillé, peinture beige, avec ou sans chevrons, avec ou sans pointillés… Parfois piétons et cyclistes doivent cohabiter sur un simple passage clouté pour traverser la route. La synchronisation des feux laisse aussi parfois perplexe.

En secteur sauvegardé – comme c’est le cas rue Marceau – la différence de teinte du revêtement doit être moins contrastée pour répondre aux exigences de l’architecte des bâtiments de France, rendant les croisements encore moins lisibles. C’est à ne plus rien y comprendre… Tout cela a pour effet de créer une importante confusion dans les esprits quant au régime de priorité qui doit s’appliquer.

La plupart du temps, ces aménagements ne correspondent à aucune réalité du Code de la route. Il n’est plus tolérable que leur interprétation soit laissée au libre arbitre des usagers qui – généralement de bonne foi – considèrent souvent être prioritaires alors que cela n’est pas toujours le cas. Il en va de la sécurité de toutes et tous.

Les occasions manquées se multiplient

Lorsque les pouvoirs publics s’emparent du sujet avec un volontarisme assumé, ils parviennent tout de même à créer de nouveaux conflits d’usage. L’exemple le plus parlant est sans aucun doute celui du giratoire Saint-Sauveur. Il promettait d’être réaménagé « à la néerlandaise » après qu’une piétonne ait – une fois encore – perdu la vie après avoir été fauchée par un conducteur en novembre 2021. La promesse était claire : cyclistes et piétons devaient à présent y être prioritaires sans aucune forme d’ambiguïté.

Malgré d’importants (et coûteux) travaux en 2022, il n’est aujourd’hui toujours pas possible de parler d’un véritable giratoire « à la néerlandaise ». En dépit des signalements répétés, les panneaux « cédez le passage » en amont des traversées piétonnes et cyclables sont toujours absents. Au sol, les pointillés sont peu visibles et placés différemment selon les voies d’entrée et de sortie.

Quelques panneaux valent-ils plus qu’une vie ? Nous pouvons légitimement nous poser la question tant les négligences de ce type s’accumulent et semblent prises avec une forme de légèreté.

Giratoire Saint-Sauveur, les pointillés au sol se confondent avec la traversée et le « cédez le passage » est uniquement présent à l’entrée de l’anneau

Vision Zero : bientôt en Touraine ?

Reste une question. Combien de blessés et de morts faudra-t-il encore pour que ce sujet soit considéré par les décideurs avec le sérieux qu’il impose ? Les collectivités d’Indre-et-Loire doivent lancer de toute urgence une réflexion partagée afin d’aboutir à un référentiel commun garantissant la qualité de ces aménagements. Pour l’heure, le réseau Vélival de Tours Métropole Val de Loire est avant tout le symbole d’une occasion manquée.

Rue Marceau, l’itinéraire Vélival n°10 comporte plusieurs intersections dangereuses. Ici, un cycliste et son enfant manquent de peu de se faire renverser par une automobiliste sortant de la place du Chardonnet

Il reste à espérer que tous les contre-exemples présentés ici soient bientôt être chose du passé. Il s’agit là d’une condition essentielle si les pouvoirs publics souhaitent continuer de développer la part des modes actifs dans les conditions qu’ils exigent.

Les sources d’inspiration sont pourtant nombreuses. Il serait souhaitable que notre territoire s’engage dans le projet de sécurité routière « Vision Zero ». Lancé en Suède en 1997,  il ambitionne de parvenir à un réseau routier avec zéro tué et zéro blessé grave dus à la circulation grâce à l’élaboration de ce fameux référentiel partagé. L’échelle départementale serait probablement la plus adéquate.

Le programme est déjà appliqué avec succès au Québec. C’est par exemple le cas de Montréal où l’objectif pour cette année est de diviser par 2 les collisions mortelles ou graves par rapport à la période 2012-2016. A quand un plan d’action similaire en Touraine ?