Relance du ferroviaire : que peut-on espérer pour la Touraine ?

La Première ministre Elisabeth Borne recevait ce vendredi matin le rapport du conseil d’orientation des infrastructures. Parmi les 3 scénarios proposés, le Gouvernement a retenu une stratégie d’investissement pour le ferroviaire de 100 milliards d’euros d’ici à 2040. Développement de RER métropolitains, relance du fret, retour des trains de nuit… Autant d’annonces qui promettent d’accélérer la décarbonation de nos déplacements en Touraine.

Le moins que l’on puisse dire, c’est que ce rapport était attendu. Annoncé pour décembre 2022 puis janvier 2023, il a finalement été remis à la Première ministre Elisabeth Borne ce vendredi 24 février par le Conseil d’orientation des infrastructures (COI). Fruit de plusieurs mois de travail d’élus et d’experts, il repose sur 3 scénarios destinés à orienter les investissements stratégiques en matière de mobilité jusqu’en 2040. Alors que celui du « cadrage budgétaire » placé sous le signe de l’austérité et celui de la « priorité aux infrastructures » supposé développer de nouveaux projets routiers et ferroviaires ont été écartés, le scénario dit de la « planification écologique » a été retenu par le Gouvernement.

Concrètement, cela se traduit par un plan de relance du ferroviaire de 100 milliards d’euros pour les 17 prochaines années. Un montant qui s’ajouterait aux sommes déjà engagées. Si l’échéance est encore relativement lointaine, Elisabeth Borne a promis un premier effort budgétaire de 1,5 milliard d’euros par an jusqu’en 2028. Une somme qui devrait accélérer la modernisation des voies, de la signalisation et des postes d’aiguillage. Le double serait cependant nécessaire pour que la France respecte ses engagements climatiques. Le PDG de la SNCF, Jean-Pierre Farandou, est néanmoins satisfait puisqu’il obtient la somme qu’il demandait.

L’étoile ferroviaire tourangelle « à préparer »

Ce « big bang ferroviaire » fait écho à l’annonce d’Emmanuel Macron qui, en novembre dernier, déclarait vouloir doter les principales villes françaises d’un réseau express régional (RER) sur le modèle de la desserte transfrontalière de l’agglomération genevoise baptisée Léman Express. S’il est quasiment certain que des métropoles comme Lyon, Bordeaux ou Grenoble sont les premières concernées, la présence de Tours dans cette liste ne va pas de soi. Le rapport du COI a même classé notre territoire dans la catégorie « à préparer » au même titre qu’Orléans, Angers ou Le Mans, et non dans celles « à faire avancer rapidement ».

Cartographie prospective du réseau ferroviaire en Touraine

Conscients de cette situation, les élus locaux ont réalisé le 27 janvier dernier une démonstration de force en signant une déclaration d’intention destinée à valoriser notre étoile ferroviaire qui – fait exceptionnel – dispose de 10 branches et irrigue plus de 80% de la population d’Indre-et-Loire. « L’Etat sera à leurs côtés » avait alors affirmé le préfet Patrice Latron. Le Gouvernement envisagerait d’investir ainsi dans une douzaine de villes en encourageant une collaboration entre SNCF Réseau et la société du Grand Paris. Une rencontre des présidents de Tours Métropole, du conseil régional et du maire de Tours avec le ministre délégué chargé des transports, Clément Beaune, est prévue prochainement pour défendre le dossier tourangeau.

Signature de la déclaration d’intention « Tous unis pour le réseau express Touraine »

Nous devrions donc en savoir davantage rapidement. Elisabeth Borne a annoncé engager une phase de dialogue avec les autorités organisatrices de la mobilité (AOM), dont fait partie la région Centre-Val de Loire, dans les prochains jours. Une planification précise des investissements, tous modes confondus, est attendue pour le mois de juin dans une temporalité concomitante avec la nouvelle génération des contrats de plan État-Région (CPER) dédiés aux mobilités.

Le vélo et les transports en commun, grands perdants

« Évoquer les RER métropolitains, ce n’est donc pas seulement parler de trains, c’est construire des réseaux de transport complet pour les Français, c’est permettre de se rapprocher d’une gare ou développer les transports en commun ou partagés là où ils sont absents ». Alors que la Première ministre semble défendre, avec raison, une approche intermodale dans ces projets structurants, il y a de quoi être étonné de la faiblesse des engagements pour les autres solutions de déplacement.

En effet, le vélo et les transports en commun urbains semblent être les grands perdants de ce plan. Le COI préconise d’investir seulement 110 millions d’euros par an dans la construction d’aménagements cyclables. Une somme qui est pourtant de 250 millions d’euros pour cette seule année. Les transports en commun bénéficieraient d’une enveloppe similaire, mais les besoins nécessaires à leur développement sont estimés annuellement à environ 500 millions d’euros. De quoi nourrir des inquiétudes quant au financement du développement du réseau de tramway tourangeau, notamment la deuxième ligne.

Une relance du fret bénéfique à l’axe Tours-Châteauroux ?

Cette relance du ferroviaire ne concerne pas seulement les voyageurs. Le transport de fret, en déclin permanent depuis près de 20 ans, devrait lui aussi être redynamisé. Une bonne nouvelle pour certaines petites lignes à la survie fréquemment menacée. En Touraine, cette annonce pourrait constituer un signal encourageant pour la réactivation de l’axe Tours-Châteauroux qui transportait encore il y a peu plusieurs tonnes de céréales et d’oléagineux chaque année. La fermeture du tronçon entre Châteauroux et Loches a conduit à son abandon, mais un collectif citoyen entend bien peser dans les négociations avec la région et l’Etat pour sa réouverture au transport de marchandises et de voyageurs.

Les trains de nuit bientôt de retour à Tours

L’enveloppe de 100 milliards d’euros sera également mobilisée pour la réouverture plusieurs lignes de train de nuit, pourtant quasiment tous démantelés au cours de ces 10 dernières années. A en croire un rapport publié dans le cadre de la loi d’orientation des mobilités (LOM) en 2021, Tours pourrait être aux premières loges de ce retour. 5 axes desservant la cité tourangelle, tous au départ de Paris, sont envisagés. Ils rallieraient les villes de Tarbes, Latour-de-Carol, Cerbère, Marseille et San Sebastián (Espagne).

Carte de lignes de nuit envisagées à l’horizon 2030 (Ministère de la Transition écologique)

A contrario, le rapport du COI suggère des moratoires sur les grands chantiers autoroutiers et de lignes à grande vitesse au regard de leurs impacts environnementaux. Si la Touraine n’est pas concernée, actuellement 55 projets routiers sont contestés en France. L’autoroute entre Poitiers et Limoges pourrait ainsi ne jamais voir le jour.

Le financement de l’ensemble de ces mesures nécessite encore des clarifications de la part de Matignon. Elisabeth Borne a cependant esquissé de premières pistes. « Nous souhaitons mettre à contribution les secteurs les plus émetteurs de gaz à effet de serre comme l’aérien, et ceux qui dégagent des profits importants, comme les sociétés d’autoroutes ». Une juste rétribution environnementale qui ne devrait pas faire que des heureux.