Ligne B : le « oui, mais… » des commissaires enquêteurs

La commission d’enquête publique vient de rendre un avis favorable pour la 2e ligne de tram de la métropole tourangelle. Elle formule cependant certaines demandes qui pourraient redessiner une partie du projet. Le tracé du futur bus à haut niveau de service peine aussi à convaincre. Nous passons en revue leurs réserves et les premières réponses apportées.

L’information a fuité dès hier midi dans les colonnes de La Nouvelle République. Elle est désormais officielle. Les 3 commissaires enquêteurs chargés du dossier de la 2e ligne de tramway de Tours et du bus à haut niveau de service viennent d’émettre un avis favorable au projet. Certaines réserves sont cependant formulées. Il s’agit donc d’un « oui, mais… » de la commission. Le syndicat des mobilités de Touraine (SMT) a commencé à y répondre dès ce jeudi matin, lors d’une conférence de presse.

Cette annonce fait suite à l’enquête d’utilité publique qui a été organisée du 23 septembre au 31 octobre derniers. Les professionnels de la participation citoyenne ont eu fort à faire. Ils ont dû analyser individuellement chacune des 1299 contributions déposées. Un chiffre record qui dépasse celui de la 1re ligne de tram.

Nous ne pouvons que nous réjouir de cette nouvelle qui est une étape supplémentaire vers le développement de notre réseau bus+tram. Les réserves des commissaires enquêteurs méritent cependant d’être étudiées, et ce, d’autant plus qu’elles convergent avec plusieurs des observations formulées dans notre contribution.

Une voie unique entre le CHRU Trousseau et La Papoterie

Cela n’est pas une surprise. Depuis plusieurs années, le terminus sud ne cesse de faire couleur beaucoup d’encre. Il est même source de tension entre les municipalités de Chambray-lès-Tours et de Saint-Avertin. La première souhaite que le terminus prévu à La Papoterie soit conservé. La seconde préfèrerait qu’il s’arrête à la hauteur du CHRU Trousseau afin d’anticiper un prolongement ultérieur vers le quartier des Grands Champs. De plus, elle redoute l’augmentation du flux de voitures dans sa commune en raison de la création projetée d’un parking relais de 402 places à La Papoterie.

Dans pareille situation, comment mettre tout le monde d’accord ? Il s’agit du (périlleux) exercice auquel nous nous sommes livrés en formulant la proposition suivante : prévoir un aiguillage devant le CHRU Trousseau préfigurant une extension vers Saint-Avertin et réaliser les 2,5 kilomètres restants jusqu’à La Papoterie en voie unique.

Route de Loches, une voie unique pourrait voir le jour entre le CHRU Trousseau et La Papoterie

Les commissaires enquêteurs reprennent l’idée d’une voie unique entre le CHRU Trousseau et La Papoterie. Cette configuration serait ainsi source d’économies, tant en termes d’investissement que de fonctionnement. Compte tenu de la faible densité d’habitation dans ce secteur essentiellement boisé, seul 1 tramway sur 2 pourrait se rendre jusqu’à ce quartier. Les autres réaliseraient un terminus partiel au CHRU Trousseau.

Rien cependant sur les aiguillages anticipant de futures branches vers Saint-Avertin et Chambray 2. Ils doivent pourtant dès à présent être inclus dans le projet pour éviter à l’avenir de lourds travaux sur la ligne B.

Des études demandées pour la future ligne C

Il n’est pas davantage question de l’aiguillage de préfiguration que nous suggérons place de la Liberté, en direction de la place Jean Jaurès. A terme, cette voie nouvelle proposerait pourtant un tracé direct par la partie nord de l’avenue de Grammont et éviterait à certains tramways de réaliser le détour par le quartier du Sanitas.

L’avis de la commission insiste sur l’importance d’une 3e ligne exploitant pleinement ce réseau qui aura bientôt 4 branches (Tours Nord, La Riche, Joué-lès-Tours et Chambray-lès-Tours). Il demande à ce que « les études […] pour un fonctionnement « en étoile » puissent être menées […] avec un calendrier de mise en œuvre dans un délai rapide et rendues publiques ».

Depuis 2022 et l’officialisation du tracé pour le boulevard Jean Royer, nous défendons – a minima – la création d’une ligne C entre La Riche et Vaucanson pour réduire les ruptures de charge. Espérons que cette proposition de bon sens, appuyée par les commissaires enquêteurs, soit entendue par le maître d’ouvrage. Ce dernier s’est en tout cas engagé publiquement ce matin à réaliser les études demandées.

Boulevard Jean Royer : davantage d’arbres sauvés ?

A 2 pas de la place de la liberté, des réserves sont également émises sur les modalités d’insertion du tramway sur le boulevard Jean Royer. Outre des demandes pour des études acoustiques et vibratoires ainsi qu’une réorganisation de la collecte des déchets, la commission semble surtout se préoccuper de l’avenir des arbres présents sur cet axe.

Les commissaires enquêteurs souhaitent que davantage d’arbres soient conservés boulevard Jean Royer

A l’exception de ceux situés à hauteur de la place de Strasbourg, nous les savons tous menacés. Le SMT n’en fait pas mystère. Afin d’éviter ce scénario du pire, la commission souhaite que la « réorganisation des mobilités » aille plus loin afin de préserver un maximum de sujets. Un plan de circulation est déjà prévu de manière à mettre fin au trafic routier de transit dans ce secteur.

Plus surprenant, le maître d’ouvrage a annoncé ce matin vouloir créer un stationnement public d’une trentaine de places sur une emprise appartenant actuellement à l’armée. Pas sûr que cela plaide vraiment en faveur du « rééquilibrage de l’espace public » souvent invoqué.

A La Riche, la vigilance est de mise sur les expropriations

Autre point sensible du dossier, les expropriations de la rue de la Mairie et de la route de Saint-Genouph à La Riche. Comme nous le constations déjà dès début 2021, certaines dépassent le périmètre de la 2e ligne de tramway. L’occasion faisant le larron, elles s’apparentent davantage à une opération de renouvellement urbain.

A La Riche, certaines expropriations apparaissent injustifiées aux yeux de la commission

Ainsi, l’avis demande à ce que « les expropriations [soient] limitées au strict besoin du projet » en citant 3 parcelles – sur la quarantaine concernée – qui ne semblent pas justifier le recours à cette procédure toujours lourde et pénible pour les propriétaires. Cela est réfuté par le SMT. Le syndicat explique que ces emprises serviront à restituer des aménagements de la voirie (trottoirs, pistes cyclables…).

BHNS : l’itinéraire ne convainc pas

Le projet baptisé « Lignes2Tram » comprend également la réorientation de l’actuel terminus sud du bus à haut niveau de service (BHNS) « 2 Tempo » de Chambray-lès-Tours vers le centre commercial des Atlantes à Saint-Pierre-des-Corps.

Au départ de la place de la Liberté, cette future ligne devrait emprunter l’avenue du Général de Gaulle, la rue Edouard Vaillant (sans site propre) et l’avenue Jacques Duclos. Seul problème, elle évite la gare TGV de Saint-Pierre-des-Corps.

Cela ne semble pas être du goût des commissaires enquêteurs qui demandent à ce que cette infrastructure majeure soit desservie « selon un itinéraire à déterminer ». Nous savons que les contraintes techniques sont nombreuses avec le franchissement de l’emprise ferroviaire par le pont Jean Moulin.

Le centre commercial des Atlantes sera-t-il le terminus de la future ligne BHNS ? Les commissaires ne le souhaitent pas

Il s’agit là d’une sérieuse remise en cause de la pertinence de cet itinéraire qui, depuis sa présentation, peine à convaincre. Il avait notamment fait l’objet de vifs débats lors de la réunion publique qui s’était tenue le 9 juillet dernier à Saint-Pierre-des-Corps. La municipalité regrettait déjà d’être la « grande oubliée » de la métropole, tandis que les élus du SMT pointaient du doigt son incapacité à se positionner sur un tracé précis.

Les premiers éléments de réponse du SMT ne sont guère plus probants. Il ne s’agirait que d’une première étape devant aboutir à un prolongement ultérieur – mais non daté – vers la gare TGV. Pour l’heure, le syndicat se limite à évoquer l’accroissement des fréquences de l’actuelle ligne Fil Bleu n°5 qui dessert déjà ce pôle multimodal clé.

La déclaration d’utilité publique attendue pour la mi 2025

Ce signal favorable de la part de la commission d’enquête tend à confirmer le calendrier prévisionnel. La déclaration d’utilité publique devrait être obtenue auprès du Préfet au printemps 2025. Les travaux commenceront dans la foulée pour une mise en service à la fin du 1er trimestre 2028.

Les semaines à venir devraient permettre au maître d’ouvrage de procéder aux éclaircissements demandés. Il ne reste plus qu’à espérer que le SMT réalise les ajustements nécessaires afin de conforter la viabilité de son projet.

Ces derniers doivent dépasser les réserves émises par la commission et tenir compte de l’ensemble des contributions à l’enquête publique. Nombre d’entre elles ont porté sur le coût total de ces nouvelles lignes et sur la bonification des itinéraires réservés aux modes actifs.