Ligne B : une association de riverains s’oppose au passage du tram par le boulevard Jean Royer

L’annonce du nouveau tracé de la ligne B de tramway fait réagir. Comme pour le boulevard Béranger en son temps, un collectif contre son passage par le boulevard Jean Royer vient d’être créé par des riverains. S’il s’agit bien sûr d’une énième réminiscence du syndrome « pas dans ma cour », certains de leurs arguments méritent d’être écoutés.

Les riverains du boulevard Jean Royer pensaient cette histoire derrière eux. Lors de la concertation publique de 2018, ils avaient été plusieurs à manifester leur hostilité à un passage de la 2e ligne de tramway par leur quartier. Une pétition avait même vu le jour. Malgré un résultat serré à l’issue de ce processus démocratique, ce sera finalement l’option du boulevard Béranger qui sera retenue. Sauf que depuis, plusieurs études ont alerté sur le péril qui guetterait les platanes de ce mail historique si le projet venait à se réaliser. A la lumière de ces éléments nouveaux, les élus métropolitains se sont finalement majoritairement prononcés le 20 juin dernier pour un nouveau tracé empruntant l’intégralité du boulevard Jean Royer. Il se prolongera à l’ouest dans le nouveau quartier des casernes Beaumont-Chauveau.

La ligne B desservira le quartier des casernes Beaumont-Chauveau

Le moins que l’on puisse dire, c’est que ce revirement n’est pas du goût de tous. Dès le mardi 5 juillet, une rencontre informelle a été organisée place de Strasbourg à l’initiative de 2 habitants du quartier pour protester contre cette décision. Il est alors acté qu’une association sera créée. Le « Collectif boulevard Jean Royer contre le tram » prendra forme dans la foulée. Brigitte Chollet, qui a emménagé à proximité de la caserne Ranne il y a 15 ans, en devient la présidente. Celle qui apprit la nouvelle « au petit-déjeuner en écoutant la radio » n’entend pas voir le tramway passer devant chez elle.

Défiance politique et explosion des coûts

« Un tel chantier ne peut pas être décidé par 4 maires dont l’intérêt est le rayonnement de leur commune », nous confie-t-elle. Amère, elle peine à comprendre le changement de position de l’édile de Tours, Emmanuel Denis, longtemps farouchement opposé à cette solution. Un sentiment de défiance aggravé par une gestion de projet qu’elle juge défaillante. Face à l’inflation et à l’explosion des coûts des matières premières, elle craint que la rentabilité ne soit pas au rendez-vous. « Les bus ici sont souvent vides », note la riveraine qui privilégie la marche pour ses déplacements quotidiens. Le budget global de cette 2e ligne de tramway est récemment passé de 470 à 570 millions d’euros, mais les projections de fréquentation justifient toujours le recours à ce mode de transport. Au moins 35 860 voyages quotidiens sont attendus, soit environ 3 000 de moins que par le boulevard Béranger.

L’exemple du réaménagement de l’avenue Maginot à Tours Nord est dans toutes les têtes. Les riverains mobilisés craignent que le boulevard Jean Royer suive la même voie. Le tramway, qu’ils considèrent comme une « pollution visuelle », générerait aussi des nuisances sonores en passant à proximité des fenêtres. Et ce, malgré une chaussée d’une largeur confortable de 14,50 mètres et l’absence de vibrations grâce à un dispositif dédié. Il est malgré tout probable que les arbres actuellement en place ne puissent être conservés. Sans replantations, Brigitte Chollet alerte sur le risque de formation d’îlots de chaleur.

Une hausse du trafic et le déclin des commerces redoutés

Autre source d’inquiétude, la gestion des 14 intersections qui jalonnent cette artère longue de plus d’un kilomètre. L’association anticipe un report du stationnement et du trafic automobile dans les rues adjacentes. L’expérience de la première ligne tourangelle de tramway nous a appris que cela été rarement le cas. Le déploiement d’un plan de circulation adapté permet de contrecarrer ces effets, aidé par l’arrivée du tramway et le phénomène d’évaporation du trafic. Fort heureusement, les 18 900 véhicules qui passaient encore quotidiennement rue Nationale en 1998 ne se sont pas déplacés dans le reste du centre-ville lors de sa piétonnisation.

Le commerce ne semble pas en avoir souffert non plus, bien au contraire. Les habitants engagés se disent cependant préoccupés pour le dynamisme commercial de leur quartier. Les travaux constitueront évidemment un moment critique pour les professionnels les plus exposés. Le boulevard Jean Royer est historiquement tourné vers le secteur automobile (garage, centre de contrôle technique…), mais de nouveaux pas de porte ont récemment été créés, dont un Carrefour City. Une commission d’indemnisation est souvent instituée durant la période de chantier, mais force est de constater qu’elle jugulera plus difficilement la spéculation immobilière qui est elle aussi redoutée.

Et les problèmes ne s’arrêteraient pas à la surface. Le collectif pense que la présence de cours d’eau souterrains viendrait complexifier l’étape préalable des travaux de dévoiement de réseaux. Les immeubles récemment construits à proximité de la place de la Liberté seraient installés sur des pieux de 13 mètres de profondeur afin de garantir leur stabilité. Autant de données qui méritent d’être encore consolidées. Le syndicat des mobilités de Touraine (SMT) vient justement d’être mandaté par les élus métropolitains pour réaliser des études complémentaires d’une durée prévisionnelle d’un an et demi. La mise en service de la ligne B s’effectuera désormais au mieux en 2028.

Le cadastre de 1811 ne fait pas état de l’existence de cours d’eau sous le boulevard Jean Royer (Le Grand Morier correspond à l’actuelle place de la Liberté)

Un tronçon ouest jugé insatisfaisant

Plus globalement, le collectif demande à ce que la copie soit revue pour toute la partie ouest du tracé. Des rapprochements sont en cours avec des larichois menacés d’expropriation et l’association « Vie active aux Prébendes ». Contacté, le comité de quartier Lakanal-Strasbourg ne souhaite pas prendre position. Une action commune en justice est d’ores et déjà envisagée. L’absence de desserte de l’hôpital Bretonneau, dont la station la plus proche sera implantée à 400 mètres de l’entrée principale, demeure un point noir.

La nécessité d’une correspondance à la station Liberté pour se rendre dans le centre-ville de Tours constituerait un autre frein à son utilisation. Rappelons que cette contrainte pourrait être facilement évitée si, comme nous le proposons, des tramways étaient mis en circulation sur l’axe La Riche-Vaucanson. Il s’agirait d’une troisième ligne particulièrement économique qui ne nécessiterait pas la construction d’infrastructures supplémentaires.

La ligne C circulerait entre La Riche et Tours Nord en empruntant uniquement les voies des 2 premières lignes

Saint-Pierre-des-Corps préféré à La Riche

Des critiques que le collectif entend porter auprès d’un large public. Une nouvelle rencontre est prévue le 30 août prochain. Elle devrait être suivie d’opérations de tractage et de porte-à-porte dans le quartier Lakanal-Strasbourg et des Prébendes. Ses membres espèrent également être reçus par les maires de Tours, La Riche et Joué-lès-Tours.

Enfin, les riverains mobilisés se questionnent sur la viabilité même du tramway et plaident pour le développement d’infrastructures cyclables et piétonnes. « Avec les fortes chaleurs qui se multiplient, l’exploitation du tram pourrait être de plus en plus délicate », pense Brigitte Chollet, tout en défendant une réorientation du tracé vers Saint-Pierre-des-Corps via la gare TGV, le site du magasin général et le centre commercial des Atlantes. Le tramway oui, mais pas dans ma cour.