Les 19 nouvelles rames de la deuxième ligne de tramway de Tours ne seront pas construites par Alstom, mais par son concurrent espagnol CAF. Elles seront tout de même de fabrication française. Les premiers trams seront livrés dans 2 ans, avec un design adapté aux nouvelles normes de sécurité.
La nouvelle fait l’effet d’une petite bombe. Alors qu’Alstom avait remporté le marché du matériel roulant de la première ligne de Tours, de nombreux observateurs s’attendaient à voir le français reconduit pour la fourniture des nouveaux tramways nécessaires au fonctionnement de la deuxième ligne. Sa mise en service est prévue pour 2028.
Il n’en sera finalement rien. A l’issue de l’appel d’offres organisé par le syndicat des mobilités de Touraine (SMT), c’est l’espagnol CAF – avec son modèle Urbos 100 – qui a été retenu pour livrer les 19 rames supplémentaires. Ces tramways seront malgré tout de fabrication française puisque l’entreprise les construira dans son usine de Bagnères-de-Bigorre (Hautes-Pyrénées).


Un coût élevé qui interpelle
Lors de notre tour d’Europe des tramways, nous avions identifié le matériel roulant comme un poste de dépense sur lequel agir afin de réduire efficacement la facture d’un projet de transport. Pour Tours, ce contrat s’élève à 79,4 millions d’euros, soit un coût unitaire de 4,2 millions d’euros par rame. CAF étant réputé pour être un constructeur plus abordable que certains de ses concurrents, ce chiffre élevé a de quoi interpeller.
Et ce, d’autant plus lorsqu’on le compare avec les autres appels d’offres français qui ont été récemment remportés par l’entreprise espagnole : 224 millions d’euros pour les 77 rames de Montpellier (soit 2,9 millions d’euros par tramway) et 57 millions d’euros pour 15 nouvelles rames marseillaises (soit 3,8 millions d’euros par tramway). Si des économies d’échelle peuvent être trouvées pour le marché signé avec le chef-lieu de l’Hérault, ce n’est pas le cas de la cité phocéenne dont la commande est inférieure à celle de Tours.
Inflation comprise, nous ne sommes finalement pas si éloignés des 73,2 millions demandés par Alstom en 2010 pour les 21 Citadis 402 tourangeaux et l’installation d’un système d’alimentation par le sol (APS) entre la place Choiseul et la gare de Tours.

Ce système propriétaire d’Alstom permettant de supprimer les lignes aériennes de contact n’est pas compatible avec d’autres marques. Les CAF Urbos seront donc équipés de batteries afin de traverser le centre-ville de Tours. Ce qui pourrait en partie expliquer ce surcoût.
Contrairement à Montpellier qui annonce avoir réalisé 50 millions d’euros d’économies en choisissant CAF, le SMT n’a pas communiqué sur les offres concurrentes reçues. Il précise cependant que ces tramways pourront circuler indifféremment sur les 2 lignes. Un prérequis pour s’engager dans une exploitation du réseau en étoile, telle que demandée par les commissaires enquêteurs.
Design : la rupture dans la continuité
Les caractéristiques techniques de ces nouveaux trams seront proches de ceux déjà en circulation. La longueur (43,7 mètres) et la largeur (2,40 mètres) n’évolueront pas. Ils seront légèrement moins capacitaires avec 280 places (dont 76 assises), contre 291 places (dont 88 assises) pour les rames Alstom. Cela représente tout de même l’emport moyen de 4 autobus. Les espaces pour les fauteuils roulants, poussettes et vélos seront bien sûr conservés.
Les principales différences seront plutôt à aller chercher du côté du design. Comme pour la première ligne, sa conception a été confiée à l’agence tourangelle RCP Design Global. Mais cette fois-ci, point de collectif « Ensemble(s) la Ligne » pour développer une approche autour du « curseur » et des différents paysages de Touraine.

Nous savons par exemple que les bandes noires et blanches de Daniel Buren ne seront pas reconduites, trop coûteuses. Leur entretien laisse également à désirer, notamment sur les quais des stations où elles tendent de plus en plus à être remplacées par des rustines d’enrobé.
Les Tourangelles et Tourangeaux pourraient bien avoir quelques surprises lorsque les premières rames seront livrées – et mise en essai dans la foulée – en 2027. Compte tenu du changement de modèle et des nouvelles normes de sécurité du service technique des remontées mécaniques et des transports guidés (SRMTG), des évolutions esthétiques sont à prévoir.

« Les tramways de la ligne A sont devenus emblématiques du paysage tourangeau. Avec la ligne 2, nous poursuivons cette identité tout en intégrant les évolutions nécessaires à un réseau plus moderne, plus performant et toujours au service des habitants », justifie Emmanuel Denis, Président du SMT et maire de Tours.
Concrètement, l’avant de ces tramways bidirectionnels devrait arborer une forme plus fuyante, avec des pare-chocs intégrés et un pare-brise conique favorisant la visibilité du conducteur. Les inspirations sont à aller chercher du côté des derniers tramways mis en circulation en France : les Alstom Citadis de Nantes – également dessiné par RCP Design Global – et du T1 parisien.

CAF poursuit son offensive en France
En remportant l’appel d’offres tourangeau, CAF continue de renforcer son rôle de challenger en France. Il vient ainsi de plus en plus menacer le monopole historique d’Alstom sur son marché national. L’entreprise a d’ailleurs intenté un référé précontractuel contre son concurrent, mais le tribunal d’Orléans n’y a pas donné suite.
Rappelons que les CAF circulent en France depuis seulement une dizaine d’années, avec une première livraison pour le réseau de Nantes en 2012 et 2013. Depuis, d’autres villes lui ont emboité le pas avec satisfaction : Besançon en 2014 et Saint-Etienne en 2017. Nous l’avons vu, l’usine de Bagnères-de-Bigorre produit actuellement 15 rames pour le réseau marseillais et 77 pour Montpellier dont les premières mises en service devraient avoir lieu cette année.



De l’Australie à la Serbie en passant par Taïwan et Maurice, il est aujourd’hui possible de monter à bord de tramways CAF dans 15 pays. L’entreprise Alstom, quant à elle, a jusqu’à présent commercialisé son modèle Citadis dans 21 pays à travers le monde.
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19 rames pour la ligne2tram mais pour quel tracé définitif ? Comment peut-on passer un marché de 79,4 M€ alors que l’avis définitif du Préfet suite aux préconisations des commissaires enquêteurs n’a pas été rendu public ?