SERM de Touraine : découvrez les propositions de l’assemblée citoyenne de Tours Métropole

Que pensent les habitants de Tours Métropole du SERM de Touraine ? Alors qu’une concertation est en cours jusqu’à mardi, l’assemblée citoyenne métropolitaine vient de rendre public un avis détaillé sur le projet. Tour d’horizon des principales propositions formulées par le conseil de développement.

Le service express régional métropolitain (SERM) de Touraine fait actuellement l’objet d’une concertation publique. Jusqu’au mardi 15 juillet, vous êtes invités à vous exprimer sur ce projet visant à exploiter pleinement le potentiel de notre étoile ferroviaire et à l’articuler avec tous les modes de transport (autocars express, vélo, voiture, marche…).

Sollicité par Tours Métropole Val de Loire, le conseil de développement (CODEV) vient de publier un avis consacré à ce sujet. Cette assemblée citoyenne intercommunale est constituée de membres bénévoles issus de la société civile. Il s’agit d’une instance de consultation, d’évaluation et de proposition portant sur les orientations majeures pour le territoire. Ses 111 membres travaillent en ateliers. Celui dédié à la mobilité – dont le responsable est l’auteur de ces lignes – a co-construit durant 7 mois le document qui est aujourd’hui rendu public.

Des haltes à rouvrir et à déplacer, d’autres à créer

L’avis du CODEV analyse longuement le potentiel des haltes et gares ferroviaires de notre territoire. 45 sont aujourd’hui en service en Indre-et-Loire. Ce chiffre, bien qu’important, ne semble cependant pas être suffisant pour assurer une desserte optimale. C’est pour cela que la gare de Fondettes/Saint-Cyr-sur-Loire rouvrira dès la fin de cette année… 30 ans après sa fermeture. Ce projet est vu d’un bon œil, bien que des précisions sur sa connexion cyclable et l’offre de service proposée soient demandées par les citoyens.

D’autres arrêts sont à créer de toutes pièces. C’est par exemple le cas de la très stratégique halte de Tours-Verdun à proximité du site de La Nouvelle République. Identifiée de longue date comme une priorité par les collectivités, elle garantirait une excellente intermodalité avec les 2 lignes de tramway, les modes actifs ainsi qu’avec les réseaux d’autobus et d’autocars. Elle désengorgerait la gare de Tours dont le terminus en cul-de-sac se révèle problématique en termes d’exploitation.

L’infrastructure actuelle ne permet cependant pas une desserte de cette future halte par toutes les branches de l’étoile ferroviaire. Pour pallier cela, le CODEV propose de réactiver l’ancienne voie ferrée de la Vendée entre le carrefour de Verdun et Joué-lès-Tours avec une potentielle halte dans le quartier des 2 Lions. Les lignes de Loches, Chinon et de Port-de-Piles pourraient ainsi l’emprunter. Si cela n’était pas fait, l’ouverture d’une halte dans l’avenue de l’Alouette ou dans le quartier des Fontaines serait nécessaire pour créer un point d’arrêt au sud de Tours pour ces 3 lignes.

A Joué-lès-Tours, 2e ville la plus peuplée du département, 2 nouvelles haltes sont souhaitées. L’une d’elles est située sur les lignes de Loches et de Chinon à proximité du futur quartier des Carmeries qui doit voir le jour sur le site de l’ancienne usine Michelin. Baptisée « Gutenberg » en raison du nom de la rue passant à proximité, elle présentée dans la concertation en cours.

La 2e est une proposition inédite du CODEV. Envisagée dans la zone d’activités de la Liodière sur la ligne de Port-de-Piles, au sud de Joué-lès-Tours, elle prendrait la forte d’un pôle d’échange multimodal (PEM) avec une connexion au futur échangeur de l’A85 et son parking relais dont les études ont commencé.

Au-delà de desservir un bassin d’emplois important, elle faciliterait les nombreux échanges quotidiens entre la vallée de l’Indre et la métropole. Les gares de Monts et de Tours-Verdun étant situées à environ 5 minutes en train.

Proposition de localisation pour la halte Joué-lès-Tours – La Liodière (CODEV de Tours Métropole Val de Loire)

Le conseil de développement se prononce également en faveur de l’ouverture d’une halte à proximité de la piscine Carré d’Ô à La Riche et aux Gués de Veigné, au croisement de l’A85 et de la ligne SNCF de Tours-Loches. Une halte autoroutière y serait envisagée.

Les citoyens se montrent plus prudents quant à la localisation d’un futur arrêt à La Ville-aux-Dames qui, bien que pertinent, est relativement complexe à réaliser compte tenu de l’importance du réseau ferroviaire. Sont écartés le rapprochement de la gare de Joué-lès-Tours à proximité de la station de tramway « République », la réouverture de celle de Vallères et la création d’une nouvelle gare à Mettray. Le prolongement du bus à haut niveau de service (BHNS) est jugé moins coûteux et plus adapté.

Le déplacement de la gare de Joué-lès-Tours n’est pas une priorité pour le CODEV, mais l’amélioration du cheminement menant jusqu’au tramway en est une

Enfin, 2 gares pourraient voir leur emplacement évolué. Plusieurs scénarios sont explorés pour Joué-lès-Tours – La Douzillère :

  • Un déplacement au sud de l’actuel Intermarché, en lien avec le terminus de la ligne A de tramway de Jean Monnet ;
  • Un déplacement sur l’ancien site de l’usine Tupperware où se croisent les voies ferrées de Tours-Loches et Port-de-Piles.
Cartographie présentant les différents scénarios étudiés pour le déplacement de la halte de La Douzillère à Joué-lès-Tours

Dans le nord du département sur la ligne de Tours-Le Mans, les difficultés d’accès à la gare de Saint-Antoine-du-Rocher font l’unanimité. Comme envisagé par la Région Centre-Val de Loire, le CODEV soutient une relocalisation plus au sud, proche du bourg.

Sur les rails, un « choc d’offre » est espéré

Disposer d’arrêts supplémentaires est essentiel, mais ne sera pas pour autant suffisant. L’offre ferroviaire et routière doit suivre également pour rendre le SERM de Touraine suffisamment pertinent pour l’ensemble des déplacements.

Le CODEV rappelle l’importance de ne pas se limiter à une approche domicile-travail. Elle ne représente que 30 à 40% des motifs de mobilité. Une large amplitude horaire, allant de 5h à 00h30 tous les jours de la semaine, est demandée.

Le fort potentiel touristique du projet est également mis en avant avec le souhait de voir apparaître un pass Touraine qui permettrait de voyager en illimité durant un temps donné et bénéficier de tarifs réduits pour les activités. La Rochelle vient de lancer une offre de ce type.

Un avis positif est formulé quant à la diamétralisation des lignes. Cette solution – proposée à la concertation en cours – consiste à créer des liaisons entre les terminus de deux lignes desservant des directions opposées depuis la métropole tourangelle (exemple : Château-du-Loir ⇔ Bléré via Tours – Verdun). Sur le modèle du RER parisien, l’itinéraire résulte de la fusion de 2 lignes qui traversent et irriguent le territoire sans y effectuer leur terminus.

La diamétralisation de certaines lignes ferroviaires est proposée à la concertation dans le cadre du scénario 2

Comme le rappelle le CODEV, chacune de ces extrémités doit être judicieusement localisée. Le périmètre du SERM de Touraine dépassant les limites de l’Indre-et-Loire, des déplacements de terminus vers Saint-Aignan-Noyers (Loir-et-Cher), Châtellerault (Vienne) ou encore Château-du-Loir (Sarthe) seraient pertinents.

Dans un contexte d’accroissement significatif de l’offre, la diamétralisation semble nécessaire pour désengorger les gares de Tours et de Saint-Pierre-des Corps . Dans cette optique, le conseil de développement souhaite également que soit étudiée la possibilité d’accueillir 2 trains sur un même quai, comme cela est déjà couramment pratiqué ailleurs en Europe et depuis quelques mois en gare de Rennes.

Si la Touraine a su conserver une grande partie de ses installations ferroviaires, il n’en demeure pas moins que les 2 lignes sont aujourd’hui en cul-de-sac. Il n’en a pas toujours été ainsi. Le CODEV se montre favorable à la réouverture au trafic de voyageurs et de marchandises de l’axe Loches-Châteauroux, abandonné depuis plusieurs années et qui fait l’objet d’une mobilisation locale importante. Plus à l’ouest, ses membres s’opposent au déclassement de la voie ferrée entre Chinon et Thouarsmenacée par un projet de voie verte – qui viendrait couper définitivement la ligne des Sables-d’Olonne.

Tout aussi menacé, l’avenir du fret ferroviaire inquiète l’instance citoyenne. Elle appelle à conserver et à renforcer l’intégralité de l’emprise réservée au transport de marchandises à Saint-Pierre-des-Corps en développant une logistique du « dernier kilomètre ». Conformément à la volonté de la Région Centre-Val de Loire, le transport de colis dans les trains de voyageurs en dehors des heures de pointe pourrait être étudié.

Le CODEV appelle à préserver et à renforcer l’activité fret en Touraine, ici la gare de triage de Saint-Pierre-des-Corps

Une offre routière à articuler et à repenser

Ce « choc d’offre » ne se fera pas uniquement sur les rails. Il devra être articulé avec une reconfiguration intégrale du réseau routier Rémi. Le CODEV s’accorde pour regretter son absence de lisibilité et son inadéquation avec les besoins actuels de déplacement. L’arrêt du doublonnement des lignes de train par des autocars, mesure de bon sens, est notamment attendu. Le matériel roulant ainsi libéré devra circuler sur des lignes transversales où le train n’est pas présent (Langeais-Veigné par exemple).

L’arrêt du doublonnement des lignes de train par des autocars – toujours moins chers – est demandé par les membres du CODEV, l’axe Tours-Loches est concerné

Cet avis est également l’occasion de remettre sur la table un serpent de mer local : la création d’une gare routière métropolitaine. Le conseil de développement propose un emplacement inédit, situé à proximité de la future halte de Tours-Verdun. S’inspirant de réalisations étrangères, sa construction s’accompagnerait d’un important programme de renouvellement urbain pour ce secteur appelé à devenir un des principaux hubs de déplacement en Touraine. Son accessibilité serait garantie par la construction de l’échangeur autoroutier sur l’A10 prévu à hauteur de Rochepinard.

A ce sujet, le CODEV se montre vigilant quant à un risque évident de greenwashing autour des projets de « l’autoroute bas carbone ». L’ouverture de l’échangeur de Rochepinard ne doit ainsi se faire que si celui de Tours-Centre est réservé aux transports en commun. Les citoyens conditionnent la création de nouvelles infrastructures routières à leur intégration dans de véritables pôles d’échanges multimodaux – articulés avec l’offre ferroviaire – répartis le long des autoroutes A10 et A85. Une attention toute particulière est demandée pour les modes actifs, avec la construction de nouveaux franchissements sécurisés à Tours et à Joué-lès-Tours.

Le projet de gare routière métropolitaine à Tours-Verdun s’inspire de réalisations étrangères, comme celle de Montréal (Québec)

SERM et modes actifs : une priorité

Afin d’exploiter le plein potentiel de l’offre ferroviaire et routière du SERM de Touraine, un accès sécurisé à chaque point d’arrêt doit être proposé pour les modes actifs (piétons et cyclistes). Nous savons que le dernier – mais aussi le premier – kilomètre sont stratégiques en matière de déplacement.

L’avis du CODEV de Tours Métropole Val de Loire insiste sur ce point en y consacrant une partie dédiée. Les itinéraires cyclables sécurisés font, pour l’heure, encore cruellement défaut à travers le département et rares sont les collectivités à s’être engagées dans un schéma directeur vélo.

Il est demandé que ces futurs aménagements soient complétés par des équipements à destination des utilisateurs des modes actifs dans les gares et autres arrêts : stationnements sécurisés pour les vélos, bornes de recharge, espaces d’attente abrités… Pour les 2 gares les plus fréquentées (Saint-Pierre-des-Corps et Tours), la création d’une vélostation est suggérée sur le modèle d’installations déjà existantes en France et à l’étranger. Elles permettraient de répondre à la saturation actuellement observée aux abords de ces 2 zones à fort enjeu d’intermodalité.

A la croisée du vélo et du ferroviaire, les citoyens demandent à Tours Métropole Val de Loire et à la communauté de communes Touraine Vallée de l’Indre de requalifier en itinéraire cyclable la friche de l’ancienne ligne à grande vitesse située entre le château de Candé à Monts et La Papoterie à Chambray-lès-Tours.

Vers une future rocade cyclable sud entre Monts et Chambray-lès-Tours ? C’est le souhait des membres du CODEV pour l’ancienne ligne à grande vitesse

Longue de 8,3 kilomètres et abandonnée depuis 2017, elle a pour intérêt de proposer un itinéraire sécurisé entièrement séparé de la circulation automobile, déjà terrassé et desservant des lieux d’intérêts (zone d’activités de La Liodière, de La Vrillonnerie, du bois des Hâtes…).

Quelle expérience pour les voyageurs de demain ?

En élaborant cet avis, les membres du conseil de développement se sont prêtés à un exercice prospectif en se mettant dans la peau de voyageurs empruntant le SERM de Touraine lorsqu’il sera arrivé à maturité. Il ressort de ce travail la nécessité de développer une identité forte pour ce nouveau réseau sur le modèle du Léman Express – avec une charte graphique immédiatement identifiable et décliné sur l’ensemble des supports physiques et numériques, de l’affichage à la livrée des véhicules. Ces derniers – trains et autocars – sont d’ailleurs amenés à être progressivement renouvelés. Le CODEV fixe une priorité : sortir du tout diesel et s’orienter de préférence vers des motorisations électriques ou hybrides.

Le SERM franco-suisse du Léman Express constitue une source d’inspiration importante pour la Touraine (cliché bahn.photos)

La simplification du parcours utilisateur doit constituer une priorité en ayant la possibilité d’acheter son billet et d’obtenir toutes les informations utiles à son voyage à un seul et même endroit (site web, application pour mobiles…). Il ne s’agit cependant pas de tout dématérialiser, au risque de renforcer une fracture numérique croissante. Les guichets devront être maintenus et l’ensemble des éléments proposés en ligne devra être présent aux arrêts.

La lisibilité de l’offre tarifaire mérite également d’être entièrement repensée. Le CODEV demande à ce qu’une intégration soit réalisée sur l’ensemble du périmètre du projet, avec un éventuel zonage pour moduler les tarifs. Le but : être en mesure avec un seul billet de prendre le train, l’autocar puis de louer un vélo pour une courte durée. Une première étape sera franchie en fin d’année avec la possibilité de circuler entre les gares des 25 communes du SMT avec un titre Fil Bleu.

Un projet qui reste à co-construire et à financer

A la lecture de cet avis, on comprend rapidement à quel point le SERM de Touraine constitue un projet unique pour la Touraine et ses territoires voisins. De par son périmètre et la diversité des acteurs mobilisés, il nécessite une gouvernance sur mesure. Parmi les 2 scénarios étudiés par les décideurs – la constitution d’un syndicat mixte ou d’un groupement d’intérêt public (GIP) – le CODEV s’exprime clairement en faveur de cette 2de solution.

Le choix est argumenté par la possibilité pour un GIP d’intégrer des partenaires à la fois publics et privés avec l’objectif de mettre en œuvre des missions d’intérêt général. La souplesse d’organisation et de fonctionnement a convaincu plusieurs autorités organisatrices de la mobilité (AOM) de s’engager avec ce véhicule juridique. L’exemple du GIP Aix-Marseille-Provence Mobilités, créé en 2022, est cité. En outre, le CODEV demande à continuer d’être étroitement associé aux groupes de travail qui se tiendront à l’avenir.

Etat, Région, intercommunalités, communes, SNCF… Le SERM de Touraine mobilise une grande variété d’acteurs

L’assemblée citoyenne se montre particulièrement attentive aux modalités de financement du projet. Si plusieurs pistes sont évoquées (déplafonner le versement mobilité des entreprises, instaurer de nouvelles recettes fiscales…), aucune d’entre elles n’a encore été officiellement annoncée. Pour l’instant, les premières études et réalisations du SERM seront réalisées grâce au volet mobilités du contrat de plan Etat-Région (CPER) 2023-2027 où 373 millions sont fléchés en direction du ferroviaire.

A l’échelle nationale, une conférence nationale de financement baptisée « Ambition France Transports » s’est tenue récemment. Elle mise sur une approche systémique du sujet en abordant à la fois le modèle économique des AOM, l’avenir du réseau routier structurant, le verdissement du transport de marchandises et le financement des infrastructures et des services de transport ferroviaire de voyageurs.

Ses conclusions ont été dévoilées le 9 juillet, après la publication de l’avis du CODEV. Elles laissent quelque peu perplexe les professionnels du secteur. Bien que le fléchage des recettes des concessions autoroutières vers les transports en commun est salué, les mobilités du quotidien semblent être les grandes oubliées de cette phase de consultation. Il faudra donc être vigilant au moment de la présentation de la loi-cadre pour les transports annoncée par Philippe Tabarot, ministre des Transports.

A 2 pas de la gare de Tours, l’ancien foyer des cheminots est en train d’être transformé en résidence étudiante

A un niveau plus local, le CODEV se montre tout aussi prudent quant à l’anticipation des effets du SERM de Touraine sur l’urbanisme. Il appelle dès à présent à articuler les différents documents de planification avec ce projet afin de limiter des phénomènes bien documentés tels que la spéculation ou la gentrification.

Afin de préserver les sols, il est souhaité que la Touraine s’engage sur la voie du transit-oriented development (TOD). Cette approche vise à l’aménagement de zones résidentielles et commerciales destinées à favoriser l’usage des transports collectifs. Il guide ainsi les potentiels de densification et de recyclage des friches à l’échelle de la gare, du PEM et du quartier.

La richesse et de la diversité des propositions formulées par l’assemblée citoyenne de Tours Métropole – toutes consultables ici – sont autant d’idées qui peuvent être portées dans le cadre de la concertation en cours. Vous avez jusqu’au mardi 15 juillet pour y contribuer.